Alors que certains rêvent de passer une nuit avec Beyonce Knowles d'autres comme Mikhail Prokhorov rêve de titre et de consécration. Force est de constater que depuis son arrivée à la tête des Nets, l'oligarque russe n'a jamais pu y prétendre, n'y même l'esquisser du petit doigt. En effet, les Nets ne se sont qualifiés qu'à trois reprises en playoffs sous l'ère Prokhorov avec comme meilleur résultat, une accession au second tour (2013-2014). Un bilan bien maigre en pleine contradiction avec les rêves de grandeur de l'homme d'affaires russe. Quelle stratégie doit-il adopter ? Miser sur la jeunesse comme il a pu le laisser sous-entendre ? Ou bien compter une nouvelle fois sur la prochaine intersaison pour espérer attirer une nouvelle fois de gros poissons ? Mais avant cela, il va falloir se taper la saison NBA et répondre aux nombreuses interrogations qui subsistent au sujet du roster actuel.
- Un présent chargé d'incertitudes
Les Knicks ont été vivement critiqués la saison dernière en raison d'une saison complètement manquée. Des critiques justifiées en raison étant donné la faiblesse du roster aligné et des résultats de la franchie. Ceci nous amène à jeter un coup d'oeil chez le voisin de Brooklyn dont l'intersaison fut des plus discrètes. Outre le départ de Deron Williams, Alan Anderson et Mirza Teletovic, les Nets ont prolongé les contrats de Brook Lopez, pour 60 millions de dollars sur 3 ans, et Thaddeus Young, pour 50 millions sur 4 ans. Côté arrivée, Andrea Bargnani, Wayne Ellington, Shane Larkin, Thomas Robinson, Donald Sloan, Willie Reed et Quincy Miller déposent leurs valises - dont une pleines de lourdes casseroles - à Brooklyn.
Par où commencer ? Par les casseroles ? Inutile, Phil Jackson a déjà balancé le pavé concernant l'ex-pensionnaire italien des Knicks. Les contrats du duo Lopez/Young ? Steve Hardi et Jeremias Engelmann d'ESPN ne sont pas convaincus mais pas du tout ! Les deux journalistes vont même jusqu'à dire que Billy King aurait mieux fait de signer Robin Lopez.
"Même si Lopez, par je ne sais quel moyen, prouve qu'il est capable de rester sur le terrain durant les 2100 minutes des trois prochaines saisons, son surprenant RPM* (- 0,60) ne justifie en aucun cas ses 20 millions de dollars annuels. Étonnamment, et ce malgré sa capacité à protéger l'arceau, son jeu au poste et sa capacité à jouer face au cercle. Lopez n'est pas en mesure de permettre à cette équipe de franchir un palier."
*RPM = Real Plus Minus. Une statistique qui prend en compte les impactes offensives et défensives d'un joueur pour estimer les résultats de son équipe quand il est sur le terrain. Ici, la présence sur le terrain de Brook Lopez possède un apport négatif pour le résultat de son équipe.
Tranchant ! Mais sur le fond peut-on leur en tenir rigueur ? Les qualités du frère de Robin ne sont pas remises en question mais a-t-il déjà permis à son équipe de franchir un cap ? Interrogé sur sa re-signature durant la Summer League par NBA.com, Lopez ne semble pas inquiet pour la saison à venir en soulignant un recrutement qu'il juge cohérent avec l'arrivée de joueurs à potentiel, athlétiques, énergiques et durs au mal. Lopez mentionne d'ailleurs les rookies Chris McCullough et Rondae Hollis-Jefferson dont il attend beaucoup de ce point de vue.
Ceci étant, ce discours n'est pas rassurant et demeure à des années-lumière des prétentions avancées par Prokhorov lors de sa prise de fonction. Brooklyn patauge et ne parvient pas à convaincre malgré les tentatives de recrutement réalisées ces dernières saisons. Brook Lopez évoque le manque de dureté et de muscle dans la raquette et Brooklyn se retrouve avec Bargnani sur le banc. On ne comprend donc pas en quoi la présence d'un Bargnani pourrait répondre à cette problématique. A côté de ça, Joe Johnson entame sa dernière année de contrat et on imagine qu'il sera très sollicité la saison prochaine. Son profil pourrait évidemment intéresser des équipes désireuses d'obtenir le titre à court terme. Un challenge que Joe Johnson devrait accepter d'autant plus que les Nets sont dans une situation de pseudo reconstruction. En témoigne les membres de la second unit essentiellement constituée de journeyman.
- Le collectif en péril ?
Depuis le début de sa carrière, Jarrett Jack n'a été titularisé toute une saison qu'à une seule reprise ! Et ce fut lors de sa saison sophomore à Portland où il débuta 79 matchs aux côtés d'un certain LaMarcus Alrdridge qui effectuait ses grands débuts dans la ligue. L'intéressé a énormément voyagé depuis son arrivée en NBA et il n'y a pas une seule saison dans sa carrière où il n'a pas démarré un match. De ce fait, Lionel Hollins a pleinement confiance en Jarrett Jack et son aptitude à diriger une équipe :
"Est-ce qu'il possède les capacités pour être titulaire ? Il l'a fait la saison passée, il l'a fait à Portland et à Golden State. Partout où il est passé, il y a eu des moments où il a dû débuter. Je pense que l'idée selon laquelle joueur qui ne débute pas tout le temps ne peut pas devenir titulaire n'est pas fondée. Ce n'est pas le cas pour Jack. Il a évolué au sein d'équipes où il y avait de très bons meneurs titulaires, et il a toujours fait du bon travail en donnant de la profondeur au roster au poste de meneur de jeu."
Jarrett Jack n'est pas un gestionnaire, ni un distributeur mais possède quelque chose de plus que Deron Williams comme le souligne John Schumman de NBA.com :
"Jack n'est pas au niveau de William du point de vue de la mène mais Williams n'est pas du niveau de Jack en tant que leader."
Et ce sont des qualités qu'un joueur en charge de driver un collectif doit posséder. C'est sans doute pour cette raison que Jarrett Jack a été en mesure de suppléer des titulaires au poste de meneur de jeu durant toute sa carrière. Un leadership qui d'ailleurs n'a pas laissé Stephen Curry indifférent :
"Le leader dont j'ai le plus appris ? Probablement, Jarrett Jack qui a eu une grande influence sur moi lorsqu'il évoluait à Golden State."
Un bel hommage du récent champion NBA à l'égard de Jack qui en tant que titulaire la saison passée - 27 matchs - a compilé une moyenne de 15,9 points et 6,6 passes décisives, sa meilleure moyenne de passes depuis son arrivée dans la ligue. La présence de Lopez et Johnson oblige Jack à déléguer certaines responsabilités offensives. On constate d'ailleurs que la relation Jack/Lopez n'était pas des plus efficientes la saison passée puisque seulement 9,9% des passes effectuées par Jack lors d'une rencontre étaient destinées à Lopez. Johnson quant à lui était le destinataire privilégié de Jack puisque 23,9% de ses passes lui été destiné.
Jack reste avant tout un meneur dont la priorité est de créer pour lui-même. Outre sa faible moyenne de passe en carrière - 4,4 pour 2 turnovers - nous observons qu'en 2014-2015, 264 de ses 359 tentatives aux shoots sont non-assistées. De plus, sur les 95 shoots assistés, 25 résultent d'une passe de Joe Johnson. Encore une fois, les deux joueurs se trouvent bien et à ce titre, Jack devrait certainement être davantage utilisé en tant que menace sans ballon. Selon, Synergy Sports Technology, Jack n'est pas un adepte du "cut" puisqu'il n'est que très rarement mis dans cette situation (seulement 2% de ses possessions). Ceci étant, on imagine mal Jarrett Jack adhérer à ce rôle tant sa nature de selfmade shooteur reste prédominante dans son jeu. Jack a été titularisé à 27 reprises la saison passée pour un bilan de 11 victoires et 16 défaites mais en l'absence de Deron Williams, le pourcentage de victoires demeure très préoccupant avec seulement 4 victoires pour 10 défaites... Soit 28,6 % de victoires. Tous ces chiffres ne rassurent pas et nous laissent à penser que le collectif des Nets devraient pâtir de l'absence de réels gestionnaires.
- Un contexte propice à Bogdanovic
Prokhorov évoque plusieurs bonnes performances du Croate dans la vidéo qu'il a accordée aux fans des Nets et à travers ses propos, il fait notamment référence à la seconde partie de saison de Bogdanovic. Lors de ces 27 matchs, l'intéressé compila près de 12 ppg à 51 % aux shoots et 42,9 % derrière l'arc. Il fut également nommé rookie of the month en avril où il cumula 14,4 ppg à 48,8 from down town incluant notamment un match décisif face à Orlando où il termina la rencontre avec 28 points (record en carrière). Sa postseason fut moins réussie mais avec le départ de Deron Williams, Mirza Teletovic et Alan Anderson, on s'attend à ce qu'il endosse davantage de responsabilités offensives. Il semble déterminer à franchir un palier en 2015-2016 comme il l'explique sur compte facebook :
"J'espère un nouveau rôle, je ne fais pas référence ici au nombre de minutes passées sur le terrain, mais aux situations où on me confiera le ballon. J'espère avoir le ballon plus souvent en main et réaliser une meilleure saison que la précédente."
L'année passée son rôle consistait en partie à écarter le jeu et réceptionner les caviars de ses coéquipiers - 62 % de ses shoots sont réalisés sans le moindre dribble - pour shooteur longue distance. Ce rôle de spot-up shooteur lui a réussi d'une certaines manières mais ses propos demeurent assez explicites pour le coaching staff. Le Croate souhaite voir évoluer ses responsabilités offensives et on peut le comprendre puisque selon NBA.com, il était l'ailier remplaçant à toucher le moins de ballon par match la saison passée avec seulement 19,7 ballons touchés en 24 minutes.
Constatez donc l'efficacité du joueur avec le peu de ballon qu'il touche ! Ses coéquipiers auraient tord de ne pas tenir compte de cette statistique et nul doute que le coaching staff saura en tirer profit la saison prochaine. L'année de transition entre le basket made in Europe et le basket outre-Atlantique s'est soldée par une réussite. Bogdanovic dispose des arguments pour s'imposer au poste d'ailier d'autant plus que le contexte lui sera largement favorable en raison d'une faible concurrence à l'aile. De plus, Brooklyn devrait disposer d'une certaine marge sur le plan de la masse salariale d'ici peu... Période qui coïncidera avec la prolongation de son contrat. Deux éléments qui nous amènent à penser que le sophomore risque fort d'être en nette progression en 2015-2016.
- Prokhorov ne perd pas espoir
Tapez "journeyman" + "NBA" sur google et vous tomberez sur Donald Sloan... Vous voyez on n'invente rien ! C'est bel et bien le terme qui qualifie au mieux la composition du banc des Nets et qui rejoint l'idée des incertitudes évoquées préalablement. Brooklyn pourrait aligner Sloan, Ellington, Rondae Hollis-Jefferson, Robinson, Bargnani en remplacement des starters... Est-ce vous prenez conscience du manque d'expérience et du peu de crédit que nous renvoie la rotation des Nets ? Tous ces joueurs sont des journeyman et le resteront. Brooklyn s'attend à vivre une saison difficile en témoignent les propos du propriétaire de la franchise :
"Tout d'abord, nous avons réalisé une excellente intersaison, bien meilleure que beaucoup de personnes le prétendent. Sans faire beaucoup de bruit, nous avons fait pas mal de chose. Brook et Thaddeus restent avec nous, ce qui nous permet d'entretenir une continuité au niveau du frontcourt. Joe Johnson reste en tant que joueur majeur. Nous avons également énormément d'attente au sujet de Bojan Bogdanovic, qui a montré quelques éclairs de génie lors de sa première saison chez les Nets […] Vous constaterez que nous sommes plus jeunes et plus athlétiques. Notre approche a été plus stratégique. Nous avons réalisé des mouvements dans l'optique d'être dans de bonnes dispositions pour le futur."
Prokhorov ne se fait donc pas d'illusions même si ce dernier - pour la forme - précise qu'il souhaite gagner à tout prix. Les Nets n'ont pris vraiment aucun risque en signant des joueurs non aguerris sur le banc en présage du nouveau salary cap et de la free agency. La stratégie des Nets demeure en définitive prudente et logique. L'expiration du contrat de Joe Johnson - 24,8 millions de dollars cette saison - et la précarité des contrats signés par les nouveaux arrivants garantissent une grande marge de manoeuvre pour les saisons à venir. Suite à de cuisants échecs, Prokhorov envisage d'inverser le signe indien et enfin parvenir à attirer des gros calibres au sein de son équipe au détriment d'une saison 2015-2016 qui s'annonce des plus compliquées.