Comme dans chaque série de playoffs, les lieutenants ont un rôle déterminant et cette opposition entre Boston et Milwaukee n’échappe pas à la règle. Ces deux équipes ont de vraies armadas offensives et défensives ce qui permet à Brad Stevens et Mike Budenholzer de se livrer des batailles tactiques sans relâche. Pour l’instant, avantage Budenholzer. C’est ce dernier qui a employé ses lieutenants avec la plus grande efficacité. Dans cette catégorie, le duel entre Jayson Tatum et Khris Middleton est également déterminant. Ils sont tous les deux la seconde meilleure arme offensive de leur équipe, et s’opposent sur le même poste à l’aile. Encore une fois, ce sont les Bucks qui tirent leur épingle du jeu.
Car oui, Jayson Tatum en termes de talent brut est sans doute meilleur que Middleton, mais le produit de Duke se retrouve dépassé dans cette série de playoffs. En 4 matchs, il affiche seulement 11 points de moyenne, soit 8 de moins que Khris Middleton. Mais pour comprendre ses contre-performances au moment le plus déterminant de la saison, il faut revenir quelques mois en arrière. Lors des playoffs 2018, Tatum s’est révélé. Plus que ça, il était quasiment devenu la seconde plus grande attraction de la conférence Est en playoffs derrière LeBron James. Pour un rookie, il affichait un niveau époustouflant, déjà un cran au-dessus de Ben Simmons par exemple lorsqu’il fallait endosser ses responsabilités. C’est le constat qu’avait dressé la série de playoffs entre Boston et Philadelphie qui opposait les jeunes superstars sur un score sans appel : 4-1.
Après avoir échoué à un petit match des finales NBA, c’est tout Boston qui voyait la perle rare en Tatum, à raison. Pourtant, ces playoffs réussis auront eu un effet vicieux sur le jeune homme et entraînèrent un été très particulier. Pendant toute l’intersaison, les médias américains n’ont cessé de raconter une histoire charmante, celle de la nouvelle love story entre Kobe Bryant et Jayson Tatum. Si l’alliance entre un Celtic et un ex-Laker était peu orthodoxe, elle laissait les fans rêveurs. En s’entraînant avec l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, Tatum ne pouvait que progresser encore et encore tant son talent sautait aux yeux. Mais dès les premières semaines de la saison régulière 2018/2019, on a constaté que quelque chose avait changé. L’intégration de Kyrie Irving et Gordon Hayward dans le groupe des finalistes de conférence a été difficile comme vous le savez, et Jayson Tatum n’a pas été épargné. On a vu un jeu beaucoup moins fluide et rythmé, laissant place à une multiplication de séquences en isolation peu efficaces.
La suite, vous la connaissez. Les Celtics vont passer toute la saison plongés dans la frustration, jusqu’à cette demi-finale de conférence où seul un miracle pourrait sauver une équipe menée 3-1. La frustration, Tatum l’a bien connue. Cette série le prouve et les chiffres faméliques qu’il y affiche démontrent les conséquences d’une saison dans le mauvais tempo. Au lieu de faire fructifier sa très bonne post-season 2018, Tatum a mal vécu le retour d'Irving qui l’a relégué au rôle de bras droit, s’entêtant dans une logique destructrice de tout miser sur son talent et des exploits en 1 contre 1 pour marquer des points. Pour preuve, la séquence de jeu que Jayson Tatum utilise le plus est celle des tirs contestés à 2 points, souvent considérés comme les moins efficaces dans le basket moderne, tout un symbole. Sans surprise, ses pourcentages au tir sont en chute libre à 17/45 dans la série et 1/13 à 3 points. Le spacing réussi sur des écrans sans ballon, le catch and shoot et les tirs ouverts ont presque disparu de l’arsenal du jeune homme et c’est tout Boston qui en pâtit.
Alors oui, pour progresser et retrouver son niveau des playoffs 2018, Jayson Tatum aurait tout à gagner en s’inspirant de son adversaire direct dans cette série face aux Bucks, Khris Middleton. C’est bien simple, Middleton excelle dans le rôle de bras droit pour Giannis Antetokounmpo là où Tatum n’a pas encore assimilé ce que ce rôle demandait. Middleton, à l’inverse du Celtic, sait jouer sur ses qualités pour rendre son équipe meilleure et exploiter son potentiel au maximum. C’est un joueur moyen qui joue juste, dans le bon système, et qui donc se bonifie. Sur du spacing, de la défense et une présence intérieure (aux rebonds par exemple) exemplaire, il offre sa polyvalence et équilibre le dispositif des Bucks.
Les statistiques avancées démontrent à quel point Khris Middleton est presque aussi important que Giannis dans le succès de Milwaukee cette saison. Son équipe a un meilleur net rating cette saison lorsque Middleton était sans Giannis sur le terrain (+12.2) que lorsque les deux hommes étaient associés (+9.4). Sur les deux premiers matchs de la série où Tatum a coulé (4.5 points par match à 4/17), Middleton a lui porté son équipe. Là où la défense de Boston excellait dans sa mission de bloquer Giannis Antetokounmpo, elle n’a jamais réussi à atténuer l’impact de son bras droit. Sur les 17 minutes où Giannis était sur le parquet sans Middleton, les Bucks ont un net rating de -18.4. Au contraire de la situation où un Middleton amputé de Giannis portait son équipe avec un net rating sensationnel de +23.
Tatum a lui au contraire, oublié ses forces dans un collectif et il se regarde trop jouer en voulant créer l’exploit tout seul, attirer l’œil des projecteurs en quelque sorte. Même en défense, c’est un joueur trop limité, si bien qu’on l’a retrouvé à de multiples reprises caché dans cette série en s’opposant à Pat Connaughton, Nikola Mirotic ou encore Sterling Brown, des armes offensives relativement faibles. Assez étonnamment, on retrouve dans le jeu de Tatum des séquences qu’on associait à Carmelo Anthony encore récemment. Peu de défense, beaucoup trop d’isolations et des tirs contestés à 2 points désastreux du point de vue de leur impact sur l’efficacité collective. Ce sont les mêmes reproches que l’on dressait contre Melo dans son triste passage à Oklahoma City ou à Houston plus brièvement. On ne compare bien sûr pas un Tatum jeune et athlétique au vieux Carmelo hors de forme, mais seulement leur impact global sur une équipe qui sur ce point précis est similaire.
Pour tempérer ce constat accablant, il faut tout de même rappeler que Jayson Tatum est seulement en train de conclure sa seconde saison en NBA, il n’a que 21 ans. Bien sûr, on aimerait le voir faire mieux tant le potentiel immense qu’il nous a déjà laissé entrevoir laisse rêveur tout en s'armant de patience pour l'instant. Mais on se doit aussi de se montrer exigeant car les attentes élevées que suscitaient les Celtics en début de saison ont été balayées. Pour édulcorer notre comparaison, on ne peut pas non plus omettre le fait que Khris Middleton affichait les mêmes lacunes lors de sa seconde saison en NBA. Il termine actuellement sa 7ème saison en NBA et il a profité de toutes ces années pour perfectionner son jeu et devenir le joueur que l’on apprécie aujourd’hui.
Dans la même logique, on ne peut pas comparer Tatum et Middleton sur leur talent brut. Ces deux joueurs ont suscité à leur arrivée dans la grande ligue des attentes diamétralement opposées. L’un sortait de l’une des meilleures facs du pays (Duke) et posait son nom sur le podium de la draft, lorsque l’autre arrivait par la petite porte en 39ème choix. Vous l’avez donc compris, Tatum est un joueur bien plus talentueux et attendu. Tout le monde sait qu’il a le potentiel pour devenir une superstar en puissance et un franchise player sans l’ombre d’un doute. C’est aussi la raison pour laquelle son rôle à Boston pose problème. Peut-être n’est-il pas taillé pour un costume de bras droit qui lui va bien trop petit. Dans ce cas, un trade vers les Pelicans en échange d’Anthony Davis pourrait relancer sa carrière dans une équipe où il aurait les pleins pouvoirs. Mais pour l’heure, il doit aider les Celtics à survivre dans le très attendu Game 5 de la nuit prochaine.