Il y a des joueurs qui marquent facilement les esprits en raison de leur visibilité médiatique, des actions folles qu'ils réalisent, des résultats de leur franchise... Et il y en a d'autres qui ne sont pas sous les feux des projecteurs mais qui démontrent une autre facette du sport collectif. C'est ce type de joueur qui retient généralement mon attention et l'importance d'un Tony Allen au sein d'un collectif demeure tout simplement determinante.
- L'homme est possédé
Prenez un échantillon de 100 fans NBA, sondez, posez leur la question suivante « lorsque vous regardez un match NBA, quels sont les détails auxquels vous prêtez attention ». Proposez leur de répondre à cette question de façon ouverte ou suggérez des choix de réponse peu importe, la tendance sera la même et ne fera sans doute pas référence à l'investissement d'un Tony Allen et pourtant... Oui, ce type d'implication dans le jeu mériterait d'être bien plus mis en valeur sur les sites considérés comme étant spécialisés de manière à « éduquer » un peu plus le lectorat en lui proposant autre chose que des highlights à longueur de journée ou encore des déclarations dont sincèrement l'intérêt est souvent extrêmement limité.
Tony Allen c'est avant tout un personnage qui parfois peut s'avérer effrayant tant sa détermination ne semble avoir aucune limite. Dernièrement, les médias américains affichèrent l'arrière des Memphis au beau milieu d'un show réalisé par de jeunes danseurs lors du Game 1 de série face à Golden State. Une scène atypique qui a eu le mérite d'en amuser plus d'un mais qui en définitive illustre l'approche mentale d'une rencontre. L'intéressé semble complètement déconnecté du contexte, dans une autre dimension et c'est justement dans cette dernière qu'il parvient à nous faire voyager. D'ailleurs, l'une de ses aventures pourrait s'intituler « l'homme qui fit souffrir Kevin Durant » car s'il y a bien un moment dont je me souviens, c'est cette défense acharnée qu'il imposa à KD... Une performance qu'il vous est impératif de visionner dans le détail !
Sa présence rassure ses coéquipiers, son visage reste blême et contraste avec l'intensité de son effort défensif sur cette série. La concentration et l'attention qu'il porte sur les déplacements du MVP 2014 sont à montrer dans toutes les écoles. Mais ce n'est pas donné à tout le monde de concevoir le duel comme Gucci, c'est une vocation, je dirai même « une passion » tant l'investissement est sans limite.
- Le tournant de la série
La série tient toutes ses promesses, Memphis mène 2-1 notamment grâce à l'intensité débordante du Grindfather, véritable pierre angulaire du système défensif des Grizz'. Lors des Game 2 et 3, l'attaque des Warriors reste figée à 89 et 90 points. Stephen Curry - MPV de la saison 2014/2015 - ne s'y trompe pas :
Il trouve de nombreux moyens de contrecarrer les lignes de passe. Il a des mains très actives lorsqu’il défend sur l'homme et c’est pour cette raison qu’il est sur le terrain. Il est capable de changer le cours du match dans certaines situations et pas seulement en défense. Il l’a fait quelques fois ce soir en interceptant ou en sortant rapidement sur des jump shots [...] Lors du prochain match nous allons devoir faire circuler davantage le ballon d’un côté à l’autre de manière à ne pas lui permettre d’être uniquement focalisé sur la défense en 1-contre-1.
Lors du Game 4, Golden State décide de laisser Tony Allen "libre" en attaque et l'incite à tenter sa chance longue distance. Gucci manque trois tentatives de suite à 3 points - son plus grand nombre de shoots tentés dans cette situation cette saison - et David Joerger décide de faire sortir son atout défensif en lieu et place de Jeff Green, Le retour de Gucci sur le terrain lors du second QT ne fait pas évoluer la situation en faveur de Memphis. Allen ne joue que 16 minutes et ne participe pas au Game 5 suite à une blessure survenue lors de ce "fameux" Game 4...
Steve Kerr ne s'est pas trompé en ciblant Tony Allen et son déclin a causé du tort à Memphis,.. On irait même jusqu'à affirmer que c'est le tournant de cette série. Très présent lors des trois premières rencontres - 36 minutes de moyenne - Allen a disparu pour les raisons évoquées précédemment. Afin de mettre en lumière l'impact de Tony Allen sur cette série voici quelques statistiques assez révélatrices :
| Game | Moyenne de steals par match pour Memphis | %3 points adverse | Shoots tentés en moyenne par Golden State | Shoots à 3 points tentés en moyenne par Golden State | Points concédés en moyenne par Golden State suite à une perte de balle | Points concédés en moyenne par match |
| 1-2-3 | 12 | 31,25 % | 75 | 26 | 20,6 | 93,3 |
| 4-5-6 | 7,6 | 45,26 % | 84 | 31 | 15,3 | 102,3 |
Quels enseignements tirer de ces chiffres ?
Memphis est la seconde équipe à avoir intercepté le plus de ballons dans ces playoffs avec 8,6 de moyenne. Lors des matchs 2 et 3, Memphis a totalisé 23 interceptions contre seulement 13 pour Golden State. Notons également que les Warriors ont perdu 37 ballons lors de ces deux défaites et que ces pertes de balle - sur l'ensemble des trois premiers matchs - ont permis à Memphis de compiler 20,6 points de moyenne. Une statistique clé lorsqu'on sait que les hommes de coach Joerger occupent la 14ème place du classement des points inscrits par match lors de ces playoffs (94,3 ppg).
De plus, nous constatons que le pourcentage d'adresse des Warriors augmente considérablement lors des Game 4,5 et 6 - + 14,01 % - tout comme le nombre de shoots tentés en moyenne par match - + 9 tentatives par match - et le nombre de shoots à 3 points tentés par match - + 5 tentatives par match. Associez ce nombre de tentatives en augmentation au pourcentage de réussite des Warriors et vous obtenez un écart moyen de + 16,6 en faveur des Warriors lors des trois dernières rencontres de la série. L'écart des moyennes de points concédés par Memphis lors des trois premiers matchs de la série comparé à celui des trois derniers de la série - + 9 points concédés de moyenne - confirme bien évidemment l'aspect déterminant que revêt la présence de Tony Allen au sein du roster.
On retrouve une tendance similaire pour des statistiques un peu plus "savantes" et on se rend bien compte que l'absence de Tony Allen bénéficie clairement à l'attaque de Golden State puisqu'à titre d'exemple, l'effciency rating des gardiens de la Bay Arena passe de 51,33 % à 57,26 %. En d'autre termes, l'efficacité aux shoots de Golden State chute considérablement en présence de Gucci ! On retrouve un constat similaire au sujet du True shooting percentage - prend en plus en compte les lancers francs dans le pourcentage total de réussite - baisse de 5 % lors Game 1,2 et 3 par rapport aux trois derniers matchs. Une statistique probante lorsqu'on sait que Klay Thompson et Stephen Curry sont des joueurs qui shootent beaucoup à 3 points et qui valident leurs lancers-francs. Sans même parler du fait que Golden State dispose du second meilleur pourcentage d'adresse de ces playoffs longue distance (38 %), du plus grand nombre de shoots tentés et validés en moyenne par match (30,3/11,5). Bref vous l'aurez compris... La blessure de Tony Allen a pleinement bénéficié aux hommes de Steve Kerr et sans manquer de respect aux Warriors, la présence de ce dernier aurait sans doute eu des répercussions considérables sur cette série.
- NBA All-Defensive Team
Tony Allen intègre pour la troisième fois de sa carrière la NBA All-Defensive first team et cette récompense n'est nullement usurpée ! C'est d'ailleurs une considération dont il est très fier et qu'il n'a pas hésité à scander à plusieurs reprises lors de la série face aux Warriors. Le site NBA.com nous permet de constater que sa défense en périphérie est tout bonnement exceptionnelle, morceaux choisis...
| Distance et types de shoots | % d'adresse de ses adversaires en général | % d'adresse de ses adversaires face à lui | Différentiel |
| 3 points | 38,4 % | 22,9 % | - 15,5 % |
| A plus de 4,57 m | 38,8 % | 27,1 % | - 11,7 % |
| 2 points | 45,9 % | 49,2 % | - 3,3 % |
| Overall | 45,5 % | 34,7 % | - 10,8 % |
Des statistiques tout simplement ahurissantes lorsqu'on sait que 48,6 % des tentatives des adversaires directs de Tony Allen sont des paniers à 3 points et que parmi les 51,4 % de tentatives à 2 points, 66,7 % se font à plus de 4,57 mètres... Est-ce vous prenez conscience de la difficulté pour ses adversaires d'atteindre le cercle et donc de la défense en périphérie de Tony Allen ? Non seulement, il les empêche d'augmenter leur pourcentage de réussite en limitant l'accès au cercle mais en plus, la défense d'Allen est parfois tellement pressante qu'il empêche ses adversaires d'être dans une position de shoot favorable.
En définitive, l'article s'avère criblé de statistiques mais l'intérêt de ce dernier était de rendre hommage à Tony Allen - malheureusement blessé au plus mauvais moment - et à la défense d'une façon plus large. Le prochain "volet défensif d'ISB" portera sur la figure montante des spécialistes de la défense, j'ai nommé Michael Kidd-Gilchrist.