Deux bonnes nouvelles en l'espace d'un mois, c'est presque un miracle quand on s'appelle les Cavaliers. Juste après avoir sélectionné le Tracy McGrady/Shawn Marion 2.0 en la personne d'Andrew Wiggins, le front office a garanti que son chef d'orchestre Kyrie Irving ferait partie de la maison jusqu'à la fin de la décennie.
Avec deux cartes en main agées de 19 et 21 ans peut se prévoir un plan de travail pour les cinq années à venir. Personne n'a eu une telle chance depuis le Thunder et le début de l'ère Durant/Westbrook.
Sur le papier, cette association peut faire des étincelles. Kyrie Irving s'est imposé en moins de trois ans comme l'un des point guards les plus talentueux du championnat. Il fait partie d'un groupe restreint de six hommes qui alignent plus de 20 points et six passes par rencontre. Meilleur rookie 2012, deux fois invité au All-Star Game, MVP du dernier, « Uncle Drew » a clairement prouvé son talent offensif.
Avec six années de contrat et 90 millions de dollars garantis, le #2 va sûrement paraître encore plus motivé d'accueillir un joueur à fort potentiel pour le prochain exercice. Il s'est même dit « fan de son jeu ».
Wiggins devrait donc apporter à l'effectif un grain de folie et une envie de bien jouer : c'est un phénomène athlétique avec de longs bras, un arrière-ailier fluide avec un arsenal offensif complet et une forte présence défensive (5.9 rebonds, 1.2 interceptions de moyenne à Kansas l'an passé). Et ça ne va pas faire de mal : Cleveland ressemble actuellement plus à un vivier de n°1 de draft sans repères qu'à une véritable équipe.
- Beaucoup d'espoir et beaucoup de « mais »
Si on ne remet pas en cause le talent brut montré par Wiggins lors de son court passage universitaire son adaptation au sein des Cavs pourrait prendre un peu de temps. Son expérience à Kansas s'est limité à une année, avec une élimination prématurée au tournoi final, et à seulement 19 ans, il va devoir s'adapter au jeu NBA. Son physique et ses fondamentaux semblent être prêts. Il doit maintenant s'intégrer dans une équipe professionnelle, et prouver qu'en plus d'être un phénomène, il peut aussi être constant.
Et premier élément que le Canadien doit prendre en compte : Irving est le franchise player. Il ne sera pas l'option offensive principale. Le nouveau coach débutant David Blatt doit prendre le temps de trouver un nouveau système où Wiggins pourra s'épanouir. La difficulté réside dans le fait que Kyrie a déjà du subir les envies de leadership de Dion Waiters qui ont largement détérioré la cohésion de l'équipe. Andrew aura sans doute tout le temps qu'il désire pour jouer au poste 3, reste à voir comment il s'y acclimate. Le poste est vacant mais pas forcément prioritaire.
D'ailleurs, il ne faut pas oublier que Wiggins n'était pas destiné à débarquer dans l'Ohio il y a encore deux semaines. Si Joel Embiid avait été apte à jouer, il partait favori pour le premier choix. Cleveland est donc sans doute revenu en arrière par rapport à ses projets, en délaissant à la dernière minute un pivot pour un shooter. La franchise se « contentera » du meilleur couteau suisse du marché.
Les interrogations sur ce duo concernent logiquement le nouvel arrivant mais sans doute encore plus celui sur qui Cleveland a décidé de miser pour les six prochaines saisons. Irving n'est pas une garantie de succès à 100 %. Son jeu n'est pas encore complet, il doit notamment améliorer sa défense qui est plus un poids qu'un atout pour son équipe (106.8 points encaissés pour 100 possessions quand il est sur le parquet, 101.4 quand il est sur le banc).
Par ailleurs, le jeune meneur a plusieurs antécédents de blessures plutôt longues et récurrentes. Pour un joueur qui a toujours été titulaire chez les Cavs, Kyrie a déjà manqué 65 matchs en trois ans, de quoi se poser (déjà) des questions sur sa longévité dans la ligue.
Enfin, Kyrie Irving n'est pour l'instant pas apparu comme le leader attendu, capable de mener son groupe jusqu'aux play-offs. Voire juste à la victoire : il n'a enregistré que 6.7 win shares en 2013-14 (le nombre de matchs gagnés grâce à la contribution d'un joueur). En comparaison, Isaiah Thomas, seconde voire troisième option à Sacramento, a été responsable de 7.7 victoires.
Le développement personnel de l'ancien pensionnaire de Duke n'est pas terminé, et son rôle dans l'intégration et l'évolution de Wiggins devrait donc être relatif. Cette équipe a besoin de vétérans pour cadrer ses jeunes joueurs, sans quoi les Cavs ne seront qu'une formation divertissante mais sans ambitions. Il ne suffit pas de s'offrir les services d'un futur All-Star pour viser le titre, il faut une organisation, un système. La franchise de l'Ohio est bien placée pour le savoir, elle n'a jamais su tirer profit de sept années de LeBron James, en se contentant trop longtemps de son seul talent. (Ils n'ont même pas ajouté Zydrunas Ilgauskas, celui était déjà en poste depuis 1996).
Plus que du talent, ils vont avoir besoin d'une mentalité, une niaque pour aller se battre dans une Conférence décidément très ouverte. En théorie, Wiggins et Irving peuvent avoir de grandes ambitions ensemble, à condition que chacun se sente responsable de son rôle. Et que le staff de Cleveland prenne enfin le temps de réussir.