Si vous voyez le jeu poste bas disparaître et James Harden tirer près de 15 trois-points par match c'est en grande partie du fait de l'arrivée des stats avancées et le fait qu'on se soit rendu compte que les tirs mi-distance rapportaient peu. Mais qui se cache derrière ces statistiques ?
La première entreprise à avoir apporté des statistiques avancées à la NBA était SportVU dès 2010-2011 (Mavs, Spurs, Thunder et Rockets) qui, grâce à un système de caméra au dessus du terrain, permettait de tracker les joueurs et la balle et donc de pouvoir ressortir les stats et la position des différentes actions, grâce à la reconnaissance de plusieurs faits tels que : le dribble, une passe, une touche ou bien la reconnaissance de plusieurs types d'actions (drives, isolations, post-up, écrans, etc). Cela permettait aussi certains calculs avancés, qui ont entamé la transition vers le jeu actuel. Au début de la saison 2011-2012, ce n'est pas moins de 10 franchises qui s'étaient offert les services de SportVU. Elles en avaient profité pour passer à un système d'analyse en (quasi) temps réel, donnant un avantage aux équipes sur leurs adversaires, puisqu'elles avaient accès à des statistiques avancées durant les matchs. On rappelle que la finale de la conférence Ouest en 2010-2011 était Mavs - Thunder. Deux des premières équipes à s'être équipées du système.
A partir de la saison 2013-2014, toutes les salles NBA se sont vu équipées du système mis en place par SportVU, permettant désormait de délivrer des schémas de jeu de l'adversaire en direct pour le coaching staff.
Après avoir comparé plusieurs entreprises permettant de faire du tracking, la NBA a décidé en 2017 de changer de fournisseur de données, pour confier la tâche à Second Spectrum. Au début, ils étaient capables d'identifier une cinquantaine de mouvements et actions différentes. Mais au fur et à mesure, Second Spectrum a cherché à intégrer des personnes capables de comprendre à la fois la technologie utilisée (programmation / Machine learning) et... le basketball. Pour cela, ils ont été chercher parmi les capitaines d'équipes de basket des universités technologiques les plus prestigieuses, telles que le très fameux Massachussetts Institute of Technology (MIT), University of Southern California (USC) ou bien encore California Tech (Cal Tech).
Avec des personnes capables de comprendre en profondeur les deux côtés de la machine, Second Spectrum a pu proposer aux équipes des stats plus pertinentes pour les équipes de coachs. Ainsi, de quelques mouvements reconnus (dribbles, passes, courses, etc) on est passé à plus de 5000 différentes actions reconnues par les programmes de Second Spectrum. Mais aussi les résultats des actions de bases, par exemple, si un drive finit en layup, en kickout, en pullout ou en passe intérieure, permettant de définir des tendances pour chaque joueur. "Quand X joueur par en dribble sur sa main gauche alors il a YY% de chance de finir par un shoot dans le périmètre avec un pourcentage de réussite de ZZ% plutôt que de tenter un layup." Les statistiques sortent d'elles-mêmes alors qu'avant ce type d'observations étaient réservées aux plus fins analystes de la ligue. L'entreprise fournit des données avec une quantité de filtres quasiment illimitée.
(source : Second Spectrum via Fansided)
Ainsi, une nouvelle catégorie de statistiques est apparue sur le site de la NBA : le Hustle, comprenez "le combat, la hargne". Cette catégorie permet de mettre en lumière les joueurs qui récupèrent le plus les balles en train d'être perdues / en ballotage, mais aussi ceux qui posent le plus d'écrans amenant des paniers ou bien encore ceux qui dévient le plus de balles. Ce sont des statistiques auxquelles les équipes n'avaient pas accès avant et qui n'étaient basées que sur l'impression visuelle d'un joueur. Avec plus de 1200 matchs et 450 joueurs dans la ligue, il était impossible d'avoir un regard sur les qualités et les défauts de tous les joueurs. Second Spectrum a permis d'apporter cette dimension aux équipes. Avoir un oeil rapidement sur tous les joueurs et connaître son match-up du soir.
C'est en partie grâce à Second Spectrum, et SportVU, que les analystes NBA se sont rendus compte que le tir à mi-distance n'était pas assez rentable et qu'il fallait donc tenter de l'éliminer tant que possible, pour ne prendre que des shoots à hauts pourcentages (dans la raquette) ou bien à plus fortes valeurs (3 points).
(source : Kirk Goldsberry)
Il y a fort à parier que ce n'est que le début de la révolution du basket initiée par l'entreprise. De nouvelles données et de nouveaux analystes vont arriver dans les équipes pour entourer les heads coachs, pour tenter de trouver des tendances et ainsi tenter de limiter l'attaque adverse, mais aussi de maximiser ses chances d'inscrirs des points. Il semblerait que ce soit tout sauf un hasard que Steve Ballmer, l'actuelle propriétaire des Clippers et ancien PDG de Microsoft, se soit beaucoup investi dans le développement de cette entreprise et qu'il souhaite développer de nouvelles choses en termes d'analyse mais aussi de contenu visible par le téléspectateur.
Le basket tend de plus en plus à s'écarter de la notion de jeu, avec toute la part de hasard que cela comprend, pour se diriger vers une activité dominée par les sciences et les analystes.
Et si les records de points inscrits ces dernières saisons n'était que le fruit d'une meilleure compréhension et d'une meilleure préparation des joueurs et des équipes ? Est-ce que l'on verra la tendance des shooteurs (très) longue distance s'affaiblir à la faveur d'un retour des postes intérieurs dominants ? Second Spectrum aura certainement la réponse avant nous.
Pour en savoir plus :
Ted Talk du PDG de Second Spectrum (sous titres en français disponible)
Nylon Calculus de fansided