En sport, on a tendance à chercher le mérite là où la réussite est davantage liée à l'efficacité et aux opportunités d'un joueur ou d'une équipe. Tout le monde y défend l'idée du travail, des sacrifices ou encore du respect, mais ce sont des motivations propres au professionalisme. Le talent ne suffit pas, il faut un contexte. C'est ainsi qu'un Tim Duncan ou un Hakeem Olajuwon auront toujours un avantage sur Charles Barkley ou Patrick Ewing. Grandoises, certes, mais surtout vainqueurs.
- La miraculé
Cependant, au milieu de tout ce pragmatisme, on aura toujours une certaine affection pour ceux qui ont gagné là où on ne les attendait pas ou plus : Nowitzki et les Mavs en 2011, les Pistons en 2004, des champions pas forcément évidents mais pas moins méritants. Les Warriors cette année ne rentrent clairement pas dans cette catégorie, compte tenu de leur effectif, de leur staff et de leurs ambitions. Mais au sein de ce groupe se trouve un homme dont le succès tient presque du miracle. Pas un vétéran trentenaire capable de jouer les snipers, mais bien le remplaçant attitré du meilleur joueur de l'équipe et de la saison.
Shaun Livingston a 29 ans, mais entre 2007 et 2010, il n'a joué qu'uen quarantaine de matchs après une des blessures les plus violentes que cette ligue a vu. Et c'est déjà un bel exploit compte tenu de ce qu'il a vécu un 22 février 2007 (Par décence, je ne vous montrerai pas les images, elles sont facilement trouvables sur internet dès que vous tapez son nom). Comme l'expliquait Slam Nation dans un récent papier, « Livingston s'est rompu les ligaments croisés antérieur, postérieur, et latéral intérieur du genou, son ménisque, et s'est disloqué le genou. On a même pensé devoir lui amputer la jambe. Il lui a fallu des mois pour marcher normalement. »
Il lui aura fallu des années pour retrouver un niveau NBA, réquilibrer son jeu après une énorme perte d'athlétisme, à coups de piges à Washington, OKC, Charlotte ou Milwaukee, avant que Jason Kidd le place en soutien de Deron Williams à Brooklyn. C'est là qu'il montre ses capacités à lire le jeu et attire l'attention du front office de Golden State.
- Monsieur plus minus
Parce qu'au-delà d'une belle histoire, Shaun Livingston a été un joueur très solide au moment le plus important de sa carrière.Le plus étonnant, c'est que sur le papier, Shaun rentre difficilement dans le système Warriors : plutôt lent, il ne tire pas à trois points, et mise souvent sur un shoot à mi-distance en provoquant le 1-contre-1. Mais il maîtrise ses fondamentaux, ne panique pas balle en main, sait jouer sur sa taille (un meneur de 2,01m, même ajourd'hui ça reste rare) pour créer des mismatches et possède toujours une magnifique lecture du jeu.
Son rendu statistique est rarement remarquable, si ce n'est 18 pts dans le 1e match face aux Rockets, mais sa présence sur le terrain garantit une stabilité pour l'équipe. Pour ça, il n'y a que regarder les performances des Dubs quand Livingston est sur ou en dehors du terrain : +21 points lors du Game 5 contre Memphis, +15 et +16 face aux Rockets, et surtout +27 pour une indispensable victoire à Cleveland au match 4 de l'ultime bataille.Habitué à une quinzaine de minutes par rencontre pendant la majorité des play-offs, le coaching ultra small-ball pendant les Finales lui a permis d'obtenir 24, 21 puis 32 mn de jeu pour les trois victoires finales des Californiens.
En effet, Steve Kerr pouvait insérer Livingston dans le 5 pour avoir un 2eme créateur avec Curry. Quand Steph a le ballon, il va souvent soit jouer avec Green a l'intérieur pour tenter de désorienter la défense et semer son adversaire, ou travailler son défenseur à coups de feintes et de cross-over, pour dégainer ou attirer une prise à deux, et ainsi chercher un shooter délaissé. Mais quand Shaun Livingston a la balle, il va chercher le moindre petit espace pour lâcher une passe rapide dans le trafic, notamment des passes à terre millimétrées difficile à anticiper. Sur ce point, il est parfois plus imprévisible que les deux Splash Brothers.
- Enfin propulsé ?
Dans cette série, les Cavs auront sombré par manque de joueurs capables de distribuer le jeu, là où la versatilité des Dubs aura été déterminante. L'ancien Clipper n'est pas unique mais il remplit un rôle fondamental de chef d'orchestre du deuxième 5. Comme pour les Spurs avec Ginobili/Diaw, c'est un atout qui a toujours pénalisé les équipes de LeBron James, dont les remplaçants n'ont jamais pu copier ou vraiment réadapter la puissance incarnée par le King.
En étant plus qu'un pion bosseur et attachant, Shaun Livingston s'est garanti deux saisons de plus chez les champions en titre. Et si les Warriors continuent sur leur lancée, sa deuxième carrière pourrait très rapidement faire oublier la première. En tout cas, lui est déjà passé à autre chose.