Joueuse au talent offensif indéniable sur les parquets, Kayla McBride n’a pourtant pas forcément le rayonnement d’une superstar du fait du manque de résultats collectifs depuis son arrivée en WNBA. Draftée en 2014, McBride est allée seulement une fois en playoffs et va concourir pour la troisième fois au All-Star Game cette saison. Une juste récompense pour celle qui semble avoir passé un cap depuis le déménagement de la franchise à Las Vegas et qui profite de l’explosion de la sophomore A’ja Wilson pour enfin pouvoir jouer le titre WNBA.
KayMac explique souvent qu’elle a deux personnalités qui, tel le yin et le yang, lui permettent de trouver un équilibre. Il y a Kay, celle qui profite de son chien, qui cuisine et qui finalement cherche plutôt le calme. Puis il y a Mac, qui est celle qu’on voit le soir ballon en main et qui peut montrer ses émotions sur les parquets auprès des fans et de ses coéquipières. Pourtant, quand on la regarde jouer, Mac n’est pas non plus la joueuse la plus expressive de WNBA et on voit maintenant que laisser le feu des projecteurs à A’ja Wilson ou encore Liz Cambage chez les Aces semble lui aller. Finalement, on remarque que Kay et Mac ne sont jamais bien loin l’une de l’autre et elle tire en fin de compte le meilleur de ces deux personnalités pour s’éclater sur un terrain.
- KayMac et la rage de la compétitrice
Kayla McBride a 27 ans maintenant, mais son amour pour le basket remonte à l’âge de 5 ans. A Erie, sa ville natale, elle commence par jouer dans les ligues YMCA. Vers ses 12 ans, son père arbitrait l’été dans un camp de basket réservé aux garçons organisé par Charlie Ward (ancien joueur des Knicks, elle porte le numéro 21 en son honneur). Son père l’a amené et c’est ainsi qu’elle a commencé à jouer, et à battre les garçons de sa ville et à se faire un nom. A partir de là s’est développé un véritable esprit de compétition chez la jeune fille qui ne la quittera plus. Elle a commencé par avoir du mal face à la différence athlétique, mais a su adapter son jeu pour gagner tous ses duels.
C’était le meilleur moment de l’été. Dès que le camp était terminé, je faisais des un-contre-un contre les garçons jours et nuits. Jusqu’à ce que je ne puisse plus jouer. (…) Si je pouvais marquer sur les garçons, je pouvais marquer sur n’importe quelle fille. C’est de là que j’ai obtenu ma confiance en moi.
Elle rejoindra plus tard les Fighting Irish de l’université de Notre Dame. Ce choix était selon elle l’assurance de pouvoir réussir sur mais aussi en dehors du terrain, au cas où. Eh oui, McBride pensait déjà à tout à cette époque. Là-bas, elle sera encore plus bosseuse que jamais. Des heures passées à shooter qui lui permettront de faire quatre fantastiques saisons à Notre Dame, avec en highlight ce match face aux rivales de UConn en 2013. Conclu au bout de 3 prolongations, c’est bien McBride qui a inscrit le 3 points égalisateur en fin de première prolongation, avec un peu de réussite certes, mais ça se provoque comme on dit.
Voilà comment s’est construite McBride. Mais pour devenir KayMac, il lui manquait encore une chose, ce dont nous avons parlé plus tôt : un équilibre qui lui permet de s'épanouir dans un métier au programme intense. Ca, elle le découvrira de la pire des manières. Nous sommes le 2 juillet 2016 et McBride se blesse au pied droit lors d’un match face aux Lynx. Le constat est sans appel : fracture, on tire le rideau sur le reste de la saison et McBride en a pour 6 mois de rééducation.
J’ai appris ça quand j’étais blessée (en 2016). Quand vous êtes à l’entrainement, vous donnez tout ce que vous avez. Quand vous partez, vous êtes avec la famille, vous avez d’autres choses qui vous permettent de garder cet équilibre.
McBride le dit elle-même, elle est amoureuse du basket et devoir être séparée autant de temps de sa passion a fait mal. Mais son mental a alors pris le dessus. Elle craignait que les gens oublient qui elle était, de quoi elle était capable, et s’est donc reconstruite suite à cette blessure pour revenir au plus haut niveau et devenir la joueuse et la personne dont nous avons parlé.
Cette blessure a finalement fait encore plus grandir la motivation de la native de Pennsylvanie. Elle a trouvé suite à ça son leadership, elle est devenue une leader par l’exemple et les émotions. KayMac est une bosseuse, KayMac ne laisse rien au hasard, KayMac veut gagner, trois caractéristiques d’une réelle compétitrice. Les célébrations de McBride sur les and-one, c’est toute la hargne de cette joueuse qui s’exprime pour montrer qu’elle en veut. Les trois points rentrés sans l'ombre d'un sourire, c’est le signe que son équipe doit rester concentrée. Kayla McBride a 27 ans maintenant, mais elle a déjà le statut d’une vétérane.
- Kay et la créativité de l’artiste
Kayla McBride est probablement l’une des ailières avec la palette technique la plus aboutie de la ligue. Que ce soit de loin pour tirer ou à l’intérieur en pénétration, il n’y a pas un seul geste qu'elle ne sait pas faire. Au fil des années, elle a su développer sa capacité à absorber le contact, à utiliser ses deux mains, à maitriser tous les effets sur la planche qui permettent à McBuckets de mettre le ballon dans le panier. Et ceci que ce soit sur jeu placé ou en contre-attaque. Dès qu’elle a le ballon en main, elle a un regard tourné vers le panier. Elle commence aussi à maitriser le floater, même si ce dernier a une trajectoire assez plate et qu’il reste quand même une arme relativement peu utilisé chez elle, ce geste lui permet de se sauver de certaines situations compliquées en tête de raquette.
Au niveau du drible, il ne s’agit peut-être pas de son atout principal mais elle a quand même un bon handle, avec notamment ce drible dans le dos qu’elle maitrise à la perfection et qui lui ouvre souvent le chemin vers le cercle lorsqu’elle l’utilise, surtout en transition. On pourrait discuter des heures de ses fingers rolls, ses and-ones et autres inspirations fantastiques de la joueuse. Ce qu’il faut retenir, c’est que Kay joue avec son instinct. Sa créativité est sans limite et son talent suffit à trouver des brèches dans les défenses adverses. Kay, c'est celle qui se laisse guider par l'envie et les émotions pour s'épanouir.
- Mac et l’efficacité de la tireuse d’élite
Comme disent les américains, « shooters shoot ». Et McBride voit très peu de tirs qu’elle ne veut pas prendre. Véritable sniper aussi bien derrière l’arc qu’à mi-distance, elle a une mécanique parfaite qui lui permet d’obtenir d’énormes pourcentages : 48% au tir, 46,8% à trois points et 92,5% au lancer-franc cette saison. C’est à en donner le tournis. Avec sa prise d’appuis très rapide, son impulsion légèrement vers l’avant, son coude gauche bien bloqué et le bras droit qui part vite de sa hanche pour finir bien en l’air sur un magnifique fouetté du poignet, les défenseures adverses n’ont pas intérêt à lui laisser un mètre de libre sous peine de sanction immédiate. Preuve que c’est une des toutes meilleures shooteuses de la ligue, elle a dominé le premier tour du concours de trois points l’an dernier avant de céder en finale face à Allie Quigley, double tenante du titre à l'époque, mais non sans panache puisqu’il a fallu deux manches finales pour départager les deux joueuses.
McBride a fait du catch & shoot en sortie d’écran une spécialité et cette précision de loin est l’arme de base de son jeu. Pourtant, elle n’a pas un jeu sans ballon ni une pointe de vitesse sensationnels qui lui permettraient de prendre beaucoup d’avance sur son adversaire directe. En revanche, elle a une confiance en son shoot sans pareil et avec une telle rapidité d’exécution, le moindre dixième de seconde d’avance qu’elle prend est plus que rentabilisé.
Lors des défaites des Aces, McBride shoote seulement 25% de ses tirs derrière l’arc, alors que ce ratio monte au-dessus des 40% lors des victoires et que le pourcentage de réussite dans cette zone reste élevé dans les deux cas. Preuve que Mac ne force pas ses tirs, mais qu’elle a des jours où elle est plus en confiance que d’autres et si elle l’est, cette arme force les défenseures à la coller sous peine d’être sanctionnées, ce qui libère donc des espaces à l’intérieur. Mais donc comment défendre sur McBride ? Sur transition, difficile de répondre à cette question mais sur jeu placé, les Aces ont particulièrement du mal cette saison face à Washington et les pourcentages de K-Mac face à cette équipe sont très faibles (comparé à ses standards) : 38% au tir et 33% à trois points. Sa kryptonite s’appellerait donc Natasha Cloud. Cette dernière a particulièrement compris l’importance de bloquer à tout prix le shoot extérieur de McBride et donc d’anticiper le plus tôt possible les écrans ou main-à-main que McBride va prendre, notamment avec A'ja Wilson qui est très mobile et peut vite driver vers le panier. Résultat, la joueuse des Aces n’y arrive pas et on est même surpris de la voir moins chercher le ballon que contre d’autres équipes. Dans le même match, on peut voir la différence entre la défense de Cloud et celle des autres joueuses Mystics.
Kayla McBride est une joueuse complète. Elle s’est forgée un caractère et une personnalité unique en WNBA qui la rendent vraiment spéciale et qui prend de plus en plus d’importance au sein des Aces. Malgré tout ça, elle n’a encore jamais touché à un titre majeur sur le sol de son pays natal, que ce soit en université ou en WNBA. Le talent débordant de Las Vegas cette saison est une trop belle occasion, reste à voir si elle saura transformer l’essai.