Trae Young, un artiste à part

Trae Young, un artiste à part

Trae Young - Chris Paul - Lloyd Pierce - Travis Schlenk - Atlanta Hawks
Crédit photo : NBA.com

Quelque peu eclipsé par l'aura et l'impact de Luka Doncic, Trae Young réalise une bonne saison en Géorgie. Des performances monstrueuses entrecoupées de soirées médiocres mais avec une certitude, un talent indéniable. Retour sur la saison du rookie des Hawks.

  • Contexte

 

Quand on aborde le cas Trae Young, impossible de le dissocier de Luka Doncic. Les deux joueurs sont liés à jamais par cette soirée du 22 juin 2018. Détenteur du 3e choix de la draft, les Hawks sélectionnent le joueur du Real Madrid. Mais ceci n'était qu'un stratagème conclu avec les Mavs pour que ces derniers puissent obtenir le Slovène. Au final, Atlanta repart du Barclays Center avec le joueur des Sooners de l'Oklahoma, Trae Young. Un choix voulu et réfléchi.

 

L'an passé, Trae Young était le joueur avec le plus de hype en NCAA. En provenance d'une petite université, il avait ébloui tout son monde par sa capacité à dégainer d'un peu partout sur le parquet. Joueur spectaculaire, Trae Young est considéré comme le premier enfant de la génération Curry, rien que ça. De leur côté, les Hawks entamaient un nouveau cycle cette saison. Exit Mike Budenholzer qui avait formé un collectif doré autour des Al Horford, Kyle Korver et autres Dennis Schröder dernièrement. Place au coach rookie Lloyd Pierce et au début du projet de Travis Schlenk. Pour entamer cette nouvelle phase, il était nécessaire de sélectionner un joueur flamboyant, capable de coups d'éclats dont seul une poignée de joueurs peuvent se prévaloir. Trae est ce type de joueurs, un artiste qu'Atlanta va tenter de développer.

 

Pour ceux qui ne sont pas amateurs de NCAA ou qui n'ont pas eu la force de regarder les Hawks cette saison (on vous pardonne), commençons par une description de son jeu. Trae Young est un shooteur d'une autre planète. Capable de dégainer à tout instant et endroit du terrain. Catch-and-shoot, sortie de dribble, en déséquilibre, en équilibre, Trae Young s'en fiche. Vous ne l'empêcherez pas de shooter. La distance Curry ne lui pose aucun soucis. Son geste de tir peut également être assimilé au joueur des Warriors. Un shoot en extension, une pureté dans le geste et une exécution supersonique. Trae Young est également un excellent passeur. Sa vision de jeu sur pick-and-roll en fait un danger permanent dés qu'il passe l'écran. Sa capacité à créer pour soi ou pour les autres en font déjà un joueur à fort potentiel. Les doutes se posent essentiellement sur son physique. Menu, chétif et pas bien grand, ses attributs physiques lambdas pénalisent Trae Young en défense et dans la recherche du contact près du cercle. Bien d'autres avant lui ont réussit dans cette Ligue sans avoir des qualités athlétiques phénoménales.

 

  • Sa saison rookie

 

Plongeons-nous désormais sur sa première saison en NBA. L'artiste n'a pas mis bien longtemps à se dévoiler. Dés son 3e match en NBA, il signe une performance majuscule face aux Cavaliers : 35 points, 11 passes et une pléthore d'observateurs subjuguée par la prouesse du gamin. Bien évidemment, Trae n'a pas régalé de la sorte chaque soir. Loin de là par moment. L'apprentissage du métier pour un rookie est complexe, surtout lorsque vous êtes sensés être le leader de votre équipe. Réussir à répéter soir après soir les performances de haut calibre n'est pas une tâche aisée. Trae Young en a fait l'amère expérience. Au fur et à mesure des semaines, il a su gagner en consistance, en régularité. Sur la période de novembre à décembre, le meneur a réalisé 8 matchs sous les 10 points. Depuis le début de l'année civile, il n'en est qu'à 2. Un garçon comme Jeremy Lin n'est pas étranger à ce gain de constance. Le vétéran installé en tant que back-up du jeune Young a su mentorer le jeune meneur pour lui apprendre les rouages du métier. Il faut également du temps à un rookie pour s'adapter au jeu NBA. La vitesse, la dimension athlétique et le spacing sont des éléments à prendre en compte. Son entraîneur, Lloyd Pierce, soulignait à l'issue du match face aux Rockets (le 26 février) le processus d'adaptation de Trae Young.

 

Il comprend comment jouer. Il obtient déjà ce qu’il veut sur le terrain. Maintenant, c’est juste la procédure en cours sur les décisions que tu fais quand tu es dans la peinture, quand tu marques, quand tu facilites, comment tromper la défense, comment voir ce que la défense va lancer sur lui. Ç'est en cours. (Lloyd Pierce, The Ringer)

 

 

A sa sortie de la fac, les observateurs s'accordaient tous à dire que l'aspect de son jeu que Trae Young allait tout de suite pouvoir transposer en NBA serait son shoot. Pourtant, c'est peut-être dans ce secteur qu'il éprouve le plus de difficulté. Cette saison, Trae Young tourne à 18.3 points par match à 41% au tir dont 33% à 3pts. On est loin des pourcentages d'un sniper. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, le système de Lloyd Pierce prône le 3pts à outrance (5e équipe de la NBA qui tente le plus de shoots à 3pts avec 39% de ses tirs). Même Dewayne Dedmon ou Alex Len se mettent à prendre des tirs derrière l'arc. Du coup, les défenses se concentrent majoritairement sur la défense de la ligne à 3pts, le gagne-pain de Trae Young. Autre élément en lien avec les défenses, le casting à ses côtés. Kevin Huerter, Kent Bazemore et Taurean Prince sont de bons joueurs mais que vous pouvez potentiellement délaisser pour vous concentrer sur Trae Young. En début de saison, on a régulièrement vu des prises à deux sur le rookie. Sa vision de jeu et sa qualité de passe ont vite fait prendre conscience aux défenses qu'il valait mieux éviter cela. 

 

Effectivement, c'est certainement la création collective et ses qualités de passeurs qui ont le plus ébloui cette saison. Vous avez tous en image cette passe entre les jambes sur Lebron James ou ce tour de passe-passe face aux Pistons. Trae Young est un magicien, un virtuose de la passe. Sa vision de jeu sur pick-and-roll est d'un niveau supérieur. Son handle lui permet d'attendre le bon moment pour faire une passe. Cette saison, Trae Young a déjà réalisé 22 matchs à plus de 10 passes. Son toucher des deux mains lui permet de faire des choses dont le commun des mortels n'est pas capable. Plutôt que vous donner ma perception, je vous offre celle de Chris Paul, accessoirement All-NBA First Team à 4 reprises et 3 fois meilleur passeur de la Ligue.

 

 Il est marrant à voir jouer parce qu’il a tant de qualités. Je pense que c’est ce que les gens peuvent manquer en le regardant. Il peut venir après un écran, et il peut s’arrêter et envoyer le ballon de l’autre côté du terrain avec sa main gauche. Il n’y a peut-être pas 4 ou 5 gars dans toute la NBA qui peuvent faire ça, et il le fait efficacement. Il va seulement devenir meilleur et encore meilleur. (Chris Paul, The Athletic)

 

Ces louanges ne sont pas dénués de toute objectivité. On s'accorde une petite parenthèse pour contextualiser les propos du meneur des Rockets. En effet, Trae Young a eu l'occasion de rencontrer Chris Paul à maintes reprises bien avant son arrivée en NBA. Enfant, Trae Young assistait avec son papa au match d'Oklahoma City. Durant la saison rookie de Paul, les Hornets de la Nouvelle-Orléans ont déménagé à Oklahoma City pendant un temps (à la suite de l'ouragan Katrina qui avait ravagé la Louisiane). Lors de son année senior en high-school, Trae Young a eu l'occasion de croiser Chris Paul dans les travées de la Chesapeake Arena. Cette rencontre marqua le joueur de 21 ans. L'été dernier, le natif du Texas a même eu la chance de travailler avec CP3. Pour en revenir sur son jeu de passe, l'intéréssé lui même se sent davantage l'âme d'un Steve Nash que d'un Stephen Curry.

 

Les gens qui me connaissent bien savent que je préfère avoir une assist plutôt que toute autre stat. Je suis fier de moi de passer et toucher les gens sur leur numéro et rendre facile pour eux la possibilité de faire une action. Je suis fier de faire la bonne action plus qu’autre chose. (Trae Young, The Athletic)

 

L'esprit collectif a collé l'étiquette d'un shooteur compulsif à Trae Young. Une vision bien trop unidimensionnelle du joueur qu'il est. Sa relation avec John Collins en font un des duos les plus complémentaires de la Ligue sur P&R. Il est le joueur des Hawks à qui Trae Young fait le plus de passes (presque 10 par match en moyenne). La belle saison du sophomore n'est peut-être pas anodine à l'arrivée de Trae Young. Enfin, c'est peut-être Omari Spellman qui résume le mieux les capacités à la passe du magicien Young.

 

Tu dois toujours être prêt avec lui. (Omari Spellman, The Athletic)

 

 

 

Poursuivons sur la saison du rookie. En cours d'année, il a passé un cap. Depuis le All-Star Break, Trae Young est phénoménal. Il tourne à 29.4 points à 47% au tir dont 47% à 3pts, le tout agrémenté de 9.3 passes en 8 matchs. Face aux Nets, il a enregistré le premier triple-double de sa carrière. Accessoirement, le premier TD d'un rookie dans l'historique de la franchise des Hawks. Peut-il remettre en cause la course pour le titre de Rookie of the Year ? Probablement pas. Mais l'enjeu principal n'est pas ici. Trae Young devait simplement taper du poing sur la table et imprimait son nom dans l'esprit des gens. Afin de ne pas devenir " le joueur échangé " avec Luka Doncic. Malgré tout, les limites de Trae Young sont évidentes. Peut-il devenir un défenseur honorable, tout du moins ne pénalisant pas trop son équipe ? Ne sera-t-il pas trop handicapé par son physique notamment pour la provocation de fautes ? Toutes ces questions sont légitimes. Néanmoins, ses qualités hors du commun valent le coup de miser sur le garçon. Enfin, sur le plan du leadership, le jeune homme semble prêt à endosser la casquette de leader de cette jeune tribu de faucons.

 

Oh, je pense définitivement que ça va être une bonne cible (en parlant de la franchise) que les free-agents vont regarder. Je veux dire, nous sommes une équipe très jeune, mais nous avons vraiment bien joué ces derniers temps. Et je ne suis pas un bourreau ou autre chose comme ça, mais je pense que je suis un bon recruteur - pour sur. (Trae Young, HoopsHype)

 

Cette saison, Trae Young a oscillé entre l'excellence et la médiocricité. D'un soir à l'autre, il passait de futur NBA team à simple back-up. Trae Young est similaire au débat sur sa personne. Il électrise la communauté. Vous êtes soit pro, soit anti Trae Young. Aucun entre-deux n'est possible selon certains. Mais justement si. Il faut savoir apprécier l'esthète du basket-ball qu'est Trae Young, tout en soulignant les imperfections inhérentes à son jeu. Le temps nous le dira mais l'avenir du génie Trae Young pourrait être glorieux.