Ils auraient pu imploser après une sortie aussi dramatique : perdre d'un point à domicile un Game 7, ça ne s'était jamais vu. Kyle Lowry avait bien une dernière chance de marquer mais l'action avait été trop laborieuse et Paul Pierce l'avait bloqué avant la sirène. Les néophytes des play-offs avaient tenu la distance avec les vétérans mais la conclusion avait un goût d'autant plus amer.
Toronto venait de passer sa meilleure saison depuis des années. Un peu opportuniste des départs calamiteux des gangs new-yorkais, la franchise canadienne s'était accaparé la division Atlantic avec sérieux : une équipe équilibrée basée sur un système défensif solide avec un bel éventail de forces offensives. Les Raptors étaient inattendus mais méritants.
Mais pouvaient-ils être autre chose qu'une étoile filante ? La réponse dépendait en grande partie de la prolongation de contrat ou non de leur leader Kyle Lowry, sans doute le meilleur meneur de la Conférence Est la saison dernière. Après quelques jours de sueurs froides, et la peur de voir Miami s'en emparer, un accord a été trouvé pour 48 millions de dollars sur quatre années.
DeMar DeRozan, avait eu droit à cette faveur (38 millions sur quatre ans) l'été dernier, et le coach Dwayne Casey a accepté de rester trois saisons de plus en mai dernier. Le GM Masai Ujiri peut donc s'enorgueillir d'avoir deux potentiels All-Star et un système bien implanté avec comme première échéance 2017.
- Le chemin est ouvert
Combien d'équipes sont assurées à l'heure actuelle d'avoir une telle marge de manœuvre et de stabilité ?
Si on regarde les huit équipes du tableau final à l'Est : Miami est obligé de remodeler son effectif, avec ou sans Big 3 ; Indiana n'arrive pas à convaincre Stephenson de rester, et a de quoi s'inquiéter du niveau de Roy Hibbert (qui va lui coûter pas loin de 30 millions les deux prochaines années) ; Chicago doit réintégrer Derrick Rose à son système et chercher un nouvel ailier fort, Brooklyn a perdu son coach et un de ses meilleurs atouts (Shaun Livingston parti aux Warriors), Charlotte a une marge d'un an, et Atlanta n'a pas l'effectif pour progresser.
Seul Washington est sûr de pouvoir compter sur John Wall-Marcin Gortat et le coaching de Randy Wittman jusqu'en 2017.
Pendant que Cleveland et New-York se la joue nouveau départ, Toronto a déjà confirmé que sa recette fonctionne.À 27 ans, Kyle Lowry entre sûrement dans ses meilleures années. Passé de 11.6 points et 6.4 passes et 5.6 win shares en 2013 à 17.9 points, 7.4 passes et 11.7 win shares sur le dernier exercice, on peut s'attendre à des chiffres au moins aussi bon la saison prochaine. Notamment grâce à une meilleure efficacité aux tirs à presque toutes les distances, liée au rôle grandissant joué par DeMar DeRozan.
Pur produit des Raptors, DeRozan a clairement justifié son deuxième contrat signé à l'été 2013 en affichant des stats offensives (22.7 points par match cette saison, seuls James Harden et Stephen Curry ont fait mieux parmi les arrières de la ligue) qui lui ont offert sa première sélection parmi les All-Stars. Peut-il faire encore mieux l'année prochaine ? Il a déjà prouvé qu'il était indispensable au bon fonctionnement de l'équipe (38.2 minutes sur le parquet en 2013-14, n°4 en NBA) et à la circulation du ballon (sa moyenne de passes est passée de 2.5 à 4.0 par match). On peut donc s'attendre à un rôle de plus en plus complet de sa part.
Car derrière les deux pièces principales, les rôles sont définis, avec pour compléter le cinq majeur, la triplette Jonas Valanciunas – Terrence Ross - Amir Johnson (tous à plus de 10 points de moyenne) qui est assurée de porter le maillot canadien pendant au moins un an. Notamment, la progression de Ross (dunker spectaculaire, gros shooter à trois points) et Valanciunas (rebondeur solide) entre leur première et deuxième année dans la ligue est remarquable.
Les dinos ont également assuré la continuité au niveau de leur banc en offrant une grosse opportunité à Patrick Patterson, et ont décidé de garder Greivis Vasquez et Nando de Colo, des jeunes joueurs qui ont déjà bourlingué, avec une expérience des play-offs.
Toronto est donc dans une phase que beaucoup de franchises peuvent lui envier : du talent, de la stabilité, et peu de pression. Habituel mauvais élève de la faible Conférence Est, les Raptors vivent dans le désintérêt des médias mais ont clairement renforcé leur fan base lors du dernier exercice, dans une période où avoir un public loyal est presque un luxe (cf. Miami Heat).
À défaut d'être un favori, par manque d'expérience et peut-être de profondeur d'effectif, le cousin canadien a en tout cas tous les ingrédients pour devenir un outsider dangereux. Il ne faudra pas s'étonner si on le retrouve en Finales de Conférence dans deux ans.