Patients et unis, ces Blazers ont enfin atteint leur destinée

Patients et unis, ces Blazers ont enfin atteint leur destinée

Damian Lillard - CJ McCollum - Terry Stotts - Portland Trail Blazers
Crédit photo : Sam Forencich / Getty Images

Portland fut la belle histoire de ces playoffs, marquant de son empreinte cette campagne 2019. Damian Lillard et ses coéquipiers ont patiemment attendu leur moment. Ce dernier est venu au terme d'une saison somptueuse.

" Les jours de Terry Stotts sont comptés, le duo Lillard McCollum n'ira jamais loin en playoffs, cette équipe a atteint sa limite..". Voilà exactement le genre de phrases que l'on pouvait lire ou entendre au lendemain du sweep subi par les Blazers face aux Pelicans d'Anthony Davis. Aujourd'hui, les déclarations à propos des Blazers sont tout autres. En concertation avec ses joueurs stars, la franchise a décidé de miser sur la continuité d'un effectif qui vit ensemble depuis plus de 5 ans. Un an plus tard, cette décision est un succès, avec l'atteinte d'une Finale de Conférence pour la première fois depuis l'an 2000.

 

Cette campagne de playoffs aura été l'oeuvre de plusieurs accomplissements pour les Blazers. Elle aura surtout été l'occasion pour ses deux hommes forts, Damian Lillard et CJ McCollum, de prouver leur valeur et leur capacité à mener une équipe en playoffs. On a eu tout d'abord droit au duel tant attendu entre Russell Westbrook et Damian Lillard, qui a vite tourné court en faveur de ce dernier. Une série dominée de bout en bout par Dame, avec en apothéose, un tir venu d'ailleurs. Puis, le second tour fut l'oeuvre de CJ McCollum. Car oui, on peut employer l'immensité du champ lexical de la beauté pour décrire la performance divine de McCollum sur cette série en 7 matchs. Le racé et élégant arrière des Blazers a profité de la focalisation de la défense des Nuggets sur son compère du back-court pour se délecter du moindre espace. Il a éclaboussé de son talent un game 7 où à mesure que les minutes s'égrenaient, Denver se liquéfiait tandis que CJ se bonifiait.

 

Avant même son commencement, cette exercice 2018/2019 promettait d’être différent des autres. À quelques jours seulement du lancement de la régulière, l’iconique propriétaire de la franchise, Paul Allen, succombait des suites d’un cancer. Une perte immense pour une organisation qui lui devait tant et dont il était à la tête depuis le début des années 90. Lors du match d’ouverture au Moda Center, son siège traditionnel était orné de son couvre-chef habituel avec les inscriptions Rip City, sur lequel reposé une rose, emblème de la ville de Portland. Très proche de ses joueurs dont son leader Damian Lillard, il a accompagné son équipe tout du long de la saison, avec un ruban sur la manche du maillot où figurait les initiales " PGA " pour Paul Gardner Allen. Cet évènement n’était que le premier d’une longue série.

 

 

Surfant sur la stabilité de son effectif, Portland réalisait un début d’exercice tout à fait honnête et conforme aux attentes. Damian Lillard montrait la voie à son équipe. Il marquait de son empreinte un road-trip floridien où Dame ne fera pas de jaloux, inscrivant la quarantaine face aux frères ennemis Miami et Orlando. Malgré l’avancée dans la saison, les Blazers ne baissaient pas pavillon. Auréolé d’un nouveau contrat l’été dernier, Jusuf Nurkic confirmait les attentes placées en lui avec une année de tous les records. Le Bosnien affichait ses meilleures moyennes aux points, rebonds, passes, contres et interceptions. Sa présence intérieur et son association avec Damian Lillard est l’une des principales raisons du bon millésime des Blazers. Lorsqu’il se retrouva soudainement à terre lors de la prolongation face aux Nets un soir de mars, tous les fans de RipCity ont cru leur espoir de bien figurer en playoffs s’envoler. Surtout quand, quelques jours plus tard, CJ McCollum se retrouvait lui aussi au sol après un drive et une mauvaise réception sur son genou. Plus de peur pour de mal pour McCollum qui allait pouvoir revenir en pleine forme pour débuter les playoffs, contrairement à Jusuf Nurkic.

 

 

Si les évènements douloureux ont gangréné la saison de Portland, il y a également une multitude de moments agréables, mêlant performances individuelles et réussite collective. Avant sa terrible blessure, Jusuf Nurkic tournait à plein régime et réalisait l'une des lignes statistiques les plus folles de toute l'histoire la NBA à l'occasion d'une rencontre face aux Kings : un five-by-five avec 20 points et 20 rebonds. Un rendement Chamberlesque sur le modeste secteur intérieur des violets, mais qui reste une prouesse dont peu de joueurs peuvent se targuer. Sur les lignes extérieurs, le nouveau venu Seth Curry se distinguait par sa réussite extérieure intrinsèque avec une place d'abonné parmi le top 3 des meilleurs pourcentages de la Ligue à 3pts. Dans une saison comprenant 82 matchs, il se dessine également des instants surprenants, voire totalement inattendus. Dans cette catégorie, Evan Turner figure bien avec 2 triples-doubles consécutifs au crépuscule de la saison, dont un à 100% de réussite au tir, rien que ça. Les 24 points de Nik Stauskas, face aux Lakers, pour ses premières minutes sous la tunique des Blazers ne sont pas tout mal non plus. Malheureusement, l'éternel espoir de la draft 2014 n'a pas fait de vieux os dans l'Oregon. Enfin, la palme d'or revient aux gamins de l'équipe qui ont participé à cette magnifique aventure de playoffs, sans même en jouer une seule minute. En effet, sans ce come-back et cette victoire face aux Kings (décidément, ils en prennent pour leur grade), les Blazers n'auraient certainement pas vécu pareille idylle. Anfernee Simmons et Skal Labissière compilaient 66 points pour remonter un déficit de 28 unités. Une dernière sortie à la maison victorieuse qui permettait d'arracher in-extremis une place sur le podium et donc d'affronter le Thunder.

 

Tous ces petits faits et anecdotes montrent bien ce qui fait la force de Portland depuis plusieurs années, son collectif. Trop souvent éclipsé par son roi soleil Damian Lillard, on banalise l'importance d'une franchise stable, aux bases saines et fondatrice d'un groupe soudé. Les exemples de gestion calamiteuse sont légions dans la grande Ligue, le cirque Lakers se donne actuellement en spectacle. Le roster des Blazers n'est pas le plus pléthorique en terme de talents, loin de là. Rassemblé autour d'un leader charismatique et fédérateur, chacun joue les uns pour les autres, et non pour sa propre personne. Chaque fois que cette équipe a dû faire face à un obstacle, elle s'est serrée les coudes, pour franchir ensemble cette nouvelle difficulté. Les intégrations optimales en cours de saison d'Enes Kanter et Rodney Hood sont de belles preuves. Ce dernier assurait même avoir retrouvé l'amour du jeu en rejoignant Portland, après une expérience douloureuse à Cleveland.

 

" Ici, c'est unique (à propos de Portland). C'est quelque chose que je n'ai pas ressenti depuis.. enfin je ne l'ai pas ressenti. Surtout depuis que je suis en NBA. J'ai beaucoup douté de moi mais une fois arrivé ici, j'ai recommencé à me sentir moi-même. " (Rodney Hood, The Athletic, 18/04)

 

Malgré la coutume qui tend vers une présence amoindrie des roles-players en playoffs, malgré l'importance tantôt de Lillard, tantôt de McCollum, chacun des joueurs de l'effectif ou presque a eu droit à son moment de gloire lors de ce mois de mai. Les retrouvailles de Kanter avec son camarade moustachu Steven Adams, très impactant sur le début de la série avant de disparaître par la suite. La faute à une épaule qui s'est fait la malle. Rodney a quant à lui attendu le second tour pour sortir de sa cachette. Profitant de confrontations directes plus favorables, il fut le 6e homme que Neil Olshey espérait en rapatriant à Portland. Son entrée dans la 4e prolongation d'un match 3 complètement fou pour planter le tir de la gagne ou son Game 6 signé de sa meilleure performance au scoring de sa carrière en playoffs sont quelque unes des jolies prouesses de l'ailier du Mississippi. Les belles histoires sont ceux qui font le charme de la NBA et malgré un sweep accroché face aux Warriors, la bromance fraternelle entre Seth et Steph couplé à la mise en lumière d'un joueur moqué, Meyers Leonard, adoucissent quelque peu un coup de balai infligé par les champions en titre, faut-il le rappeler.

 

Le scénario d'une saison et d'une équipe se joue parfois à très peu de choses, à des détails infimes en dépit d'une période vaste comprenant 82 matchs et des milliers de kilomètres. Le hasard, le calendrier voire même la chance influent sur l'avenir. Quelle aurait été la conclusion ou la tournure générale de ce papier si les Blazers s'étaient vus affronter les Rockets au lieu d'Oklahoma City au premier tour ? On ne le sait pas, on ne le saura jamais. Mes paroles auraient sans doute été bien différentes. Au final, qu'importe, Portland a su profiter d'une partie de tableau dégagé en réalisant des exploits individuels et des ajustements à des moments cruciaux. Ces Blazers, en l'état actuel, ont certainement atteint leur plafond, celui d'une Finale de Conférence où ils s'inclinent logiquement, trop juste pour rivaliser avec les meilleures cylindrées. On radote souvent sur le fait que la vie est injuste mais de temps à autre, elle parvient à réunir les choses dans le bon ordre. Les Blazers ont connu bien des désillusions et en connaîtront certainement d'autres dans les années à venir. Mais en attendant, Damian Lillard et ses coéquipiers ont atteint leur destinée.