Classer les 50 plus grands joueurs de l’Histoire de la NBA ! Une drôle d’idée, un défi immense que même Marc Toesca n’aurait pas relevé dans sa période "Salut les petits clous". Ce Top 50, c’est pourtant le challenge que s’est fixé le duo Anthony Saliou et Julien Müller. Au risque de se mettre à dos les fanbases de la moitié de la Ligue, les deux spécialistes de la balle orange se sont livrés à un travail minutieux de recherche et d’étalonnage des différentes époques.
Entre anecdotes, statistiques et citations, les auteurs nous proposent un grand écart entre Wilt Chamberlain et Stephen Curry. Mais, si vous vous attendiez à un empilement de chiffres, trophées et distinctions en tous genres, c’est peine perdue. Anthony et Julien abordent chaque joueur avec un angle d’attaque différent : musique, cinéma, jeux télé, QCM ou même procès à la sauce new-yorkaise. On passe d'une décennie à une autre, d'un meneur MVP à un pivot double champion NBA avec un plaisir non dissimulé, toujours avec l'arrière pensée "Qui sera le prochain sur la liste ?".
Un livre référence qui permettra aux plus jeunes de découvrir les stars du passé et aux plus férus passionnés de passer un bon moment avec la plume décalée des auteurs. Pour les gourmands, un rab est même à disposition à la fin de l'ouvrage avec la liste des joueurs sous-cotés, les oubliés de l'Histoire, les séries de playoffs inoubliables et les Finales mythiques. Quand le tout est cautionné par George Eddy himself en préface, il n'y a plus qu'à consommer tout chaud. Alors Magic ou Larry, Skyhook ou Dream Shake, Michael ou Kobe, autant demander directement aux auteurs :
ISB : Palmarès, statistiques, impact sur le jeu… quels critères avez-vous retenu pour classer ces légendes ?
Anthony : Vous avez cité les principales. On a omis nos préférences délibérément pour tâcher de rester le plus objectif possible. La hausse du niveau de jeu lorsque les playoffs pointent le bout de leur nez est aussi un point important, bien que ça ne soit pas une obsession. On ne peut pas mettre un joueur dans le classement avec seulement un critère. Si on devait parler Stats, Dominique Wilkins serait dans le livre. A partir du moment où on prend un maximum de paramètres en considération, on y voit déjà plus clair.
Trouver 50 noms n'est pas compliqué, on en avait une grande majorité en tête. Seulement à la fin, on remarque des absences et on se dit, quel cauchemar ! Comment peut-on virer untel ou untel et laisser celui-là ? On a débattu et il y a des joueurs qui ont laissé leur place au dernier moment. Si le top 10 était établi, la suite était beaucoup plus tendue. Nate Thurmond était dans le livre à l'origine et devant deux ou trois noms qui sont restés. On a pesé le pour et le contre, on a attendu la fin des playoffs 2018 et on n'a pas pu faire autrement, question de logique et crédibilité pour nous, chose qui n'est pas forcément comprise par les lecteurs. Néanmoins, on a pris le cas de Thurmond en bonus pour le glisser chez Basket Rétro.
Julien : L'impact sur le jeu pour moi. C'est quand même le facteur qui pèse plus que tout. Quand tu bouscules les codes, quand tu rebats les cartes, c'est fort. C'est comme en musique quand tu lances une nouvelle tendance. Le palmarès oui, mais ça ne vaudra jamais le contexte. Il faut le rabâcher chaque jour car l'argument "il a plus de bagues", c'est le niveau zéro de réflexion. Et les stats oui, mais si tu sors des trucs de maboul quoi.
ISB : Chaque époque a ses spécificités, comment avez-vous pris en compte ces différences dans votre classement ?
Anthony : Chaque époque a ses différences, mais on a pas jaugé là-dessus. Oui, Bill Russell et les Celtics jouaient dans une ligue avec peu d'équipes et avaient un effectif largement supérieur à tout le monde. Oui, le niveau de jeu est complètement différent et le jeu en lui-même. Le principe reste toujours de mettre le ballon dans le cercle, mais avec un rythme et des styles qui peuvent s'opposer. Souvent on entend dire que des joueurs ne pourraient pas jouer en NBA à l'époque ou l'inverse.
C'est sûr qu'en prenant un Jerry Lucas dans la NBA d'aujourd'hui, ça serait complexe. Mais il faut aussi se dire qu'un Lucas avec les entraînements de maintenant, les suivis médicaux et tout le tralala, il dominerait peut-être aussi. Que Stephen Curry soit un joueur lambda dans les années 70-80, faut arrêter un peu. Vu les trous d'air des défenses à cette période, la vitesse d'exécution et l'adresse de Curry auraient aussi bien marché. Qu'on entende dire que LeBron James se ferait défoncer par les bad boys et les Knicks 80-90, ça me fait rire. Vous avez vu le corps qu'il a ? Vous pensez sincèrement que John Starks ou n'importe qui auraient tenu physiquement un type pareil ? Oui il aurait pris de sacrés coups, mais qui n'en a pas pris ? James aurait dominé n'importe quelle décennie et un Michael Jordan se serait amusé aujourd'hui tout en s'obligeant à bosser son shoot à trois points qui est devenu primordial.
Julien : Comparer les époques restent le paramètre le plus difficile à mes yeux. Et l'un des plus intéressants. On peut dire qu'avant c'était plus simple de gagner un titre car tu avais moins d'équipes, un calendrier plus resserré et une dimension athlétique moins élevé. On peut aussi rétorquer que dans les années 50-60, les conditions de voyages et de récupérations étaient bien moins avantageuses, et ça compte quand même énormément. Comme on écrit pour George Mikan : si t'as été dominant, peu importe ton époque, t'as dominé. Tu ressors du lot alors qu'il y a d'autres joueurs à tes côtés, en face de toi; donc c'est que t'es au-dessus. Après évidemment le niveau général peut se discuter, mais je trouve que beaucoup de jeunes ont du mépris pour les 70-80-90's. Dominique Wilkins pèterait encore plus le score offensivement avec les règles d'aujourd'hui. Chaque décennie à ses spécificités, et ça c'est bien.
Pour le classement, c'est l'ensemble impact-stats-domination-palmarès. On globalise tout. Certains nous ont reproché par exemple l'absence de Tony Parker. Honnêtement, sa présence ne nous a jamais effleuré l'esprit. Qui peut sérieusement mettre Tony Parker dans le top 50 All-Time à part les frenchies et les fans des Spurs ? Parker n'a jamais été dominant sur le jeu à long ou même moyen terme. Il a maîtrisé son basket comme peu, fut extrêmement régulier. Mais pas énorme dans les stats, jamais franchise player et toujours au sein d'un collectif fort avec une individualité monstrueuse, comme Tim Duncan. Il a le palmarès évidemment, mais individuellement ça reste léger pour se frotter aux cadors. Le classement ne mettra jamais tout le monde d'accord et l'idée principale reste d'évoquer les joueurs. C'est surtout l'important.
ISB : Pas évident non plus de classer des joueurs évoluant à différents postes. Y’a-t-il un poste, pour vous, qui reste prépondérant quelle que soit l’époque ?
Anthony : Les arrières. Le meneur plus particulièrement. Chaque décennie a eu son lot de meneurs et plus spécifiquement à partir des années 80. On avait le top entre Magic, Isiah, Stockton, Dennis Johnson et les débuts de Kevin Johnson par exemple. Pour les nineties, Payton, les deux Hardaway, Price, etc... Et si on devait désigner la période la plus dense, on est en plein dedans depuis le milieu des années 2000. Il y avait Kidd, Deron Williams, Chris Paul, Mike Bibby, Tony Parker et maintenant Damian Lillard, Stephen Curry, John Wall, Kemba Walker, Kyrie Irving et j'en passe. Le style a changé, car le meneur type était cantonné à passer avant de penser à scorer. Maintenant c'est beaucoup plus ouvert, ils ont plus de liberté et osons le dire, un talent offensif inégalé. Ceci dit, je préfère largement les meneurs à l'ancienne. Les ailiers forts ont aussi beaucoup évolué, ça peut jouer pivot histoire d'aller plus vite et ça dégaîne à trois points, ce qui n'était pas le cas auparavant, à quelques exceptions près.
Julien : Les postes 1 et 5 sont particuliers. Disons que tu peux vivre tranquillement si tu es équipé à la mène ou en pivot. D'ailleurs, c'est un argument majeur pour Jordan qui a réussi à tout rafler sans grand meneur ni intérieur dominant. Personnellement, tout ce qui penche vers l'arrière a ma préférence. Je trouve qu'il n'y a rien de plus difficile au basket que d'être meneur. Tu as toutes les responsabilités, tu lances l'action, t'es le cerveau et t'as la pression plus que tous les autres. Le basket a certes évolué, avec une polyvalence plus importante. Mais ça reste le meneur qui est le plus mis à contribution. Et puis, il y a le facteur centimètre quand même. Maintenant, ce n'est pas une règle arrêtée pour le classement.
ISB : On retrouve bien entendu des performances hors du commun dans ce livre, quel est, selon vous, le record qui risque de tomber dans les prochaines années ?
Anthony : Les records à trois points et le scoring de manière générale. Pas de la moyenne de points individuelle, Wilt peut dormir tranquille. Mais collectivement avec l'adresse extérieure des joueurs actuels, on peut se demander jusqu'où ça peut aller. Stephen Curry peut battre son propre record de paniers à trois points sur une saison comme sur un match. Il se peut aussi que le groupe très fermé des quadruple-double vienne s'agrandir au fil du temps. La défense n'est plus une priorité comme c'était le cas dans les années 90 jusqu'en 2010. C'est le jeu de celui qui marque le plus, à toi, à moi. Ce n'est pas du tout le basket que j'affectionne. Qu'il y ait deux ou trois équipes à scorer sans limite, ça va, mais que toute la ligue semble partir sur ce chemin, ça me fout les boules. J'adore le jeu au poste, il n'y a plus de réels pivots, excepté un Jokic ou le tout jeune Ayton à Phoenix qui a un certain répertoire. Le shoot à 3 points est parasitaire. Il n'y a plus de tir à mi-distance. Le prétexte est que ça ne rapporte que deux points et que les joueurs de maintenant sont tous plus au moins adroits à longue distance. J'ai déjà abandonné de regarder des matchs cette saison au bout de trois rencontres vues. Je m'ennuie terriblement avec ça. Moi c'est le basket dur, défensif, moche pour certains, comme les Pistons de 2004, les Knicks et le Heat des 90's, que je préfère. J'ai jamais aimé les gros scores, mais plutôt les attaques bloquées où il fallait faire une prière pour que ça rentre.
Julien : Ray Allen compte les jours sur son nombre de treys et il a raison, Curry va le mettre loin. Un record qui pourrait tomber et il est assez méconnu, c'est celui de Barkley sur le nombre de saisons consécutives en double-double : Dwight Howard peut le battre.
ISB : La NBA a encore de beaux jours devant elle avec une nouvelle génération qui fait parler d'elle. Quels sont les jeunes joueurs qui pourraient à l'avenir craquer votre Top 50 ?
Anthony : C'est encore trop tôt pour le dire. En terme de potentiel, des jeunes comme Jayson Tatum, Ben Simmons, Donovan Mitchell ont une grosse marge. Pour les européens, j'ai Luka Doncic si je vise le prématuré, mais également des valeurs sûres tels que Nikola Jokic ou Kristaps Porzingis. C'est le genre de joueur qui peut marquer son nom dans l'histoire de la NBA et dans le gratin ! Là actuellement, il y a encore évidemment beaucoup de travail, de choses à accomplir, un palmarès à construire, mais des gars comme Giannis Antetokounmpo et Anthony Davis, c'est assez sérieux. Pourquoi pas même un Klay Thompson ?
Julien : Giannis évidemment et je mets une pièce sur Nikola Jokic. Lui, c'est le turfu.
ISB : A en juger le succès de votre premier opus, avez-vous d'autres idées de livres à venir ?
Anthony : Oui tout à fait. On avait déjà commencé un autre sujet, il y a longtemps de ça. Un projet qui me tenait à coeur et que nous continuons à travailler. Du coup, on se fait ou refait des matchs pour avoir un peu de matière car c'est pas évident de trouver suffisamment d'informations pour en faire un ouvrage. Mais ce n'est pas le seul. On doit encore se concerter sur des projets futurs.
Julien : Pourquoi pas. On a aimé faire ce livre. Et surtout, on s'est bien marré. Anthony a une idée de sujet qui nous plaît bien, on y bosse.
Top 50 : Les Légendes de la NBA
Editions Talent Sport
Auteurs : Anthony Saliou et Julien Müller (préface George Eddy)
371 pages, 19,90 euros