Son nom est Green, Draymond Green

Les Warriors viennent de se faire éliminer par les Clippers au terme d’une superbe série en sept matchs. C’est l’occasion de rendre hommage à l’un des joueurs qui a pesé le plus pendant ce premier tour, alors qu’on ne l’attendait pas.

Il est difficile de se faire un nom dans la NBA. Surtout quand on s’appelle Green et qu’on partage son patronyme avec quatre autres joueurs. Reste à Draymond de se faire un prénom, et c’est exactement ce qu’il est en train de réussir lors de ces playoffs.

 

Pourtant, son arrivée dans la baie de San Francisco, à l’issue de la Draft 2012, n’avait pas suscité d’excitation particulière. L’attention des observateurs et des fans avait plutôt été focalisée sur le premier choix des Warriors, un autre ailier nommé Harrison Barnes. Celui-ci avait réalisé une saison rookie convaincante, avant de flamber en playoffs, au point d’être considéré comme l’un des joueurs du futur à Golden State. Green, pour sa part, s’était bagarré tout au long de la saison pour faire partie de la rotation et n’était vu que comme un fringe player. Mais nous sommes en NBA, et la roue tourne, et elle tourne même très vite, car un an plus tard, ce n’est plus Barnes mais Green qui a été le facteur X des Warriors pendant la série au long cours face aux Clippers. Mais comment l’ancien joueur de la fac de Michigan State en-t-il arrivé là ? Comment parvient-on, dans la ligue la plus compétitive au monde, à se faire une (petite) place au soleil ? Récit d’une ascension, à destination de tous les jeunes padawans.

Vu de loin, Draymond Green est ce qu’on appelle, dans le jargon, un « beau bébé » : 2,01 mètres, 104 kilos et des épaules de déménageur de pianos, le garçon en impose. Pourtant, cela fait des années qu’il n’a pas été aussi léger. A son arrivée sur le campus de Michigan State, en provenance du lycée voisin de Saginaw, Green pesait la bagatelle de 130 kilos. Sa stature lui avait permis de tout écraser sur son passage, mais il avait dû ensuite s’affûter un peu en NCAA. Reste qu’il avait pu officier dans les raquettes avec succès, en terminant meilleur rebondeur de l’histoire des Spartans. En revanche, passé chez les pros, Green s’est trouvé trop petit pour faire face aux ailiers-forts, mais également trop lourds face aux postes 3. Son manque de mobilité était un handicap particulièrement en défense, son point fort. Après une année rookie plus intéressante que ses statistiques ne l’indiquent (3 points et 3 rebonds en 15 minutes par match), Green s’est mis au boulot, et très sérieusement. Il a donc perdu du poids tout en gagnant du muscle et s’est présenté au training camp avec le corps d’athlète de haut niveau qu’il est. Glen Davis, qui vient de l'affronter, pourrait en prendre de la graine.

Dire que Draymond Green n’est pas un grand shooteur est un euphémisme. Il suffit de le voir armer son tir pour comprendre que dans ce domaine, il appartient plutôt à la catégorie des maçons qu’à celles des chirurgiens. Pourtant, ses faibles pourcentages ont davantage à voir avec sa sélection de tirs qu’avec sa technique. Beaucoup de joueurs connaissent cette difficulté : jouant peu, ils ont du mal à trouver le rythme dans le match, et prennent parfois des décisions erronées. Ce qui les amène à retourner sur le banc. Mais là aussi, Green a beaucoup travaillé pour être fiable offensivement. Ses statistiques l’indiquent : de 32,7% à deux points et 20,7% à trois points en 2012/2013, il est passé, respectivement, à 40,7% et 33,3% de réussite. Ce n’est pas le Mexique, mais on s’en rapproche. Et surtout, cela signifie que les adversaires ne peuvent pas ignorer Green en attaque. C’est d’ailleurs ce qu'il a pu prouver face aux Clippers, en concluant la série à 11,9 points de moyenne (contre 6,2 points en saison régulière), avec une pointe à 24 points dans le Game 7, dont un très beau 5 sur 8 derrière l’arc.

Alors, Draymond Green ferait-il partie de ces joueurs dont l’impact sur un match ne se mesure pas seulement en termes statistiques ? C’est en partie vrai. En partie seulement, parce que le temps de jeu (22 minutes par match en saison régulière, pratiquement 33 minutes en playoffs) alloué à un joueur dont le rendement offensif est si aléatoire est un très bon indicateur de l’importance de celui-ci. Un peu comme Joakim Noah chez les Bulls, Draymond Green est un hustle player : il joue à l’énergie, disputant tous les ballons et défendant comme un mort de faim. Dans ce secteur, il est probablement la principale raison pour laquelle les Warriors, privés de leur pivot Andrew Bogut, ont tenu si longtemps face à des Clippers bien fournis en armes offensives à l’intérieur. Bien sûr, Golden State est l'équipe de Stephen Curry. Mais l'apport de Green pour le collectif a été tout aussi essentiel que celui de son illustre meneur de jeu. Vous ne me croyez pas ? Les faits sont pourtant têtus : les Warriors ont pu remporter des rencontres quand Green prenait le dessus sur Blake Griffin : il a limité l’ailier-fort des Clips à 18 points à 40% et 6 rebonds de moyenne lors des trois victoires de son équipe au premier tour. Ce faisant, il a donné un véritable récital défensif, en multipliant les bons choix : permutations, bagarre autour des écrans, prise de position au rebond. Green a ainsi démontré qu’au-delà de son bagage athlétique, il disposait d’une lecture du jeu plutôt rare pour un joueur si jeune. Si on s’en tient aux chiffres, l'ailier a conclu la série avec d'excellentes statistiques en défense, avec 8,3 rebonds, 1,7 interception et 1,7 contre de moyenne.

 

On peut donc imaginer le soulagement des Clippers de s’être enfin défaits de Golden State. C'est notamment le cas de Griffin, lui qui s’était déjà frotté à l’ailier des Warriors le 25 décembre dernier. En ce jour de Noël, Green avait offert à Griffin son coude en plein visage, ce qui avait déclenché la fureur de ce dernier, puis son exclusion. On ne serait pas complètement surpris, dès lors, d’apprendre que les deux joueurs fassent partie de ceux qui se sont expliqués de manière un peu virile dans le tunnel du Staples Center à l’issue du dernier match.  Quant à Green, l'avenir lui appartient. En attendant, il s'est fait un prénom.