Preview : Indiana, comme l’ombre d’un doute
A partir du 19 avril, certaines franchises seront en mission. Les playoffs démarreront et ce sera le début de saison pour de nombreuses équipes. Car si les Bobcats et les Mavs sont heureux de retrouver les phases finales, d’autres franchises attendent ce jour depuis un an avec une seule idée en tête : le titre de champion. En effet, malgré 16 équipes participant aux playoffs et donc potentiellement 16 vainqueurs différents, toutes n’ont pas le même statut. Et nous ne parlons pas de favoris. Mais de concurrents et de prétendants. Le premier décrit une franchise dont l’objectif sera d’aller le plus loin possible dans la compétition, tandis que l’autre représente celles dont un autre résultat que la victoire finale serait synonyme d’échec. Profitant des duels du premier tour des playoffs, la rédaction d’ISB débat de ces statuts et délivre son verdict. Alors, Indiana… Concurrent ou prétendant ?
- Ce qu’il faut savoir sur Indiana
Bilan : 56-26
Classement : 1er à l’Est
Joueurs clés : Paul George, Roy Hibbert, David West, Lance Stephenson
Chiffres clés : 92,3 points encaissés par match (2e meilleure défense), 5,4 contres par match (5e de la NBA).
- Un prétendant en proie au doute
Robin Foucault : Depuis maintenant près de deux ans, les Pacers d’Indianapolis n’ont qu’une chose en tête : venir enfin à bout du colosse à trois têtes formé par Pat Riley à l’été 2010. Depuis tout ce temps, Indiana se focalise sur son ennemi floridien avec l’espoir de trouver un jour la formule magique pour le vaincre. Durant la campagne 2012, le Heat avait éliminé les Pacers en six manches (2-4) lors des demi-finales de la conférence est. L’année d’après, c’était une marche plus haute que les deux équipes s’étaient retrouvées, pour un affrontement ayant tenu toutes ses promesses (3-4). Aujourd’hui, à l’aube des playoffs 2014, Indiana est toujours dans le doute après un énorme passage à vide. Mais l’ambition première des troupes de Larry Bird est toujours la même qu’en début de saison :
« Notre but est d’aller en finales de conférence est, et nous pensons que Miami sera là. Ce sont les champions du monde. C’est une machine bien huilée. Et nous voulons avoir une chance contre eux. »
Dans les têtes, le plan d’action est donc toujours intact. Mais sur les parquets, l’écart entre le visage conquérant des Pacers du début de saison et les piètres prestations de ses dernières semaines est symptomatique. Après avoir lancé leur saison régulière de la plus belle des manières (33-7), les hommes de Frank Vogel l’ont achevé par un bilan de 13 défaites sur les 23 derniers matches. Comme indiqué ci-dessus, Indiana est la deuxième meilleure défense de la ligue, avec une moyenne de 92,3 points encaissés. Mais là où le bât blesse, c’est que le différentiel de points concédés entre la tonitruante entame des Pacers et leur fin de saison houleuse s’élève à environ une douzaine d’unités. S’ils veulent espérer retrouver leurs meilleurs ennemis en finales de conférence, Paul George et ses partenaires doivent se ressaisir, retrouver leur énergie défensive ainsi que leur implication d’antan.
Nombreux sont ceux ayant tenté, en vain, d’ausculter les problèmes rencontrés par les pensionnaires de la Bankers Life Fieldhouse. Seuls les concernés sont en mesure d’expliquer réellement ce qu’il se passe dans les coulisses de la franchise de Reggie Miller. Néanmoins, certaines rumeurs plus ou moins fondées ont pu filtrer sur d’éventuelles querelles devenues au fil du temps communes au sein de l’effectif. Les sorties médiatiques répétées de Bird, de Vogel mais aussi de certains joueurs, à commencer par Roy Hibbert, n’ont rien arrangé. Les deux arrières de l’équipe, Lance Stephenson et Evan Turner, seraient davantage adversaires que coéquipiers, ce qui aurait semé une ambiance délétère au centre d’entraînement. Mais le match délivré par Indiana face à Oklahoma City dimanche dernier semble porteur d’espoirs pour les fans.
Ce soir, Indiana accueille Atlanta pour la première manche d’une série qui s’annonce plus compliquée qu’initialement prévu. En effet, la dernière visite des Hawks dans l’Indiana s’est soldée par une lourde défaite (88-107), avec des Pacers limités à 23 petits points à la pause. Il est donc encore trop tôt pour parler de la victoire sur le Thunder comme un déclic, mais les soucis des partenaires de Stephenson - auteur de son cinquième triple-double de la saison contre OKC - semblent davantage d’ordre psychologique. Larry Bird encore :
« On ne se bat pas, on se contente d’observer. On doit avoir un tout autre état d’esprit, mentalement, nous ne sommes pas prêts. Je ne suis pas en colère, je suis déçu. »
En interne, on affirme donc qu’une bonne remise en question suffirait à regonfler tout un effectif à bloc. Quoi qu’il en soit, les Pacers ne devraient pas manquer de motivation pour entamer une nouvelle campagne de playoffs qu’ils espèrent plus triomphante que les précédentes. Au-delà de l’envie, des joueurs émoussés en fin de saison comme George, Hibbert ou encore David West devront être en pleine possession de leurs moyens physiques pour venir à bout d’un adversaire puis d’un autre avant de pouvoir éventuellement retrouver Miami au sommet de la conférence est. Et dans cette optique, Frank Vogel conserve Andrew Bynum bien au chaud…
- Indiana, réveille-toi !
Laurent Legrand : L'objectif est affiché depuis le début de la saison, les hommes de Frank Vogel n'ont qu'une musique en tête dont le doux refrain est celui des finales. Il s'avère donc inutile de tergiverser sur l'idée de savoir si les coéquipiers de Paul George sont concurrents ou prétendants. L'effectif est taillé pour faire de grande chose durant cette postseason avec pour figure de proue la défense et le jeu placé. Le bilan des mois de mars et avril (13-12) vient tâcher la copie d'une saison qui aurait pu être tout bonnement exceptionnelle. Ainsi, plutôt que d'arriver en indéfectible prétendant au titre, les Pacers apparaissent quelque peu émoussés par un exercice 2013-2014 éreintant. Nous y reviendrons lors du point suivant mais le trade de Danny Granger a quelque peu bouleversé la bonne marche d'Indiana et quelques tensions ont semble-t-il affecté le groupe. Néanmoins, est-ce nécessaire de s'inquiéter ? Afin de se rassurer, Indiana est parvenu à terminer leader de la conférence Est et préservera donc l'avantage du terrain durant toutes ses séries à l'Est. Un élément non négligeable lorsqu'on sait qu'Indiana - et les équipes de la conférence Est d'une façon générale - voyage moyennement bien (21-20 on the road).
Outre le trade, c'est le niveau de jeu de Paul George qui laisse planer ce sentiment d'incertitude en témoigne le rendement du jeune All-Star des Pacers lors des treize dernières rencontres - 36,6 % aux shoots - sans parler des problèmes extérieurs combinés à la pression inhérente associée au fait d'être une jeune star évoluant au sein d'une équipe prétendante au titre de champion. Mais George n'est pas le seul a avoir baissé en régime puisque Roy Hibbert aligne également des statistiques plutôt moribondes avec 4,2 rebonds à 42 % aux shoots en mars ainsi que 5,3 points à 23,5 % et 3,2 rebonds sur le mois d'avril dont un 0-9 face à OKC. Bref des statistiques indignes de l'ancien pensionnaire de Georgetown tandis que George Hill a vu son adresse aux shoots baisser de façon considérable passant de 50,5 en février à 36,9 % au mois de mars avant de conclure le mois d'avril à 37,5 %. Indiana a souffert suite aux difficultés rencontrées par trois de ses joueurs majeurs, en ce sens, la présence de David West rassure tant l'ancien Hornet semble surnager tout comme Lance Stephenson pourtant "accusé" de nuire au collectif.
Frank Vogel et son coaching staff doivent faire table rase tout comme l'ensemble du roster. La saison régulière est terminée, l'objectif est atteint et il faut maintenant retrouver cette synergie du début de saison et fluidifier l'efficacité offensive tombée aux oubliettes lors des deux derniers mois de compétition. Indiana doit s'appliquer à retrouver cette dynamique face à Atlanta, se rassurer et réciter ses gammes afin d'envisager plus sereinement la suite et une éventuelle confrontation face à la muraille des Bulls. S'il se confirme, ce duel défensif sera très intéressant à suivre. Vogel face à Thibodeau ? En tout cas c'est qu'on espère secrètement ! En définitive, Indiana a le potentiel pour atteindre les finales NBA ça ne fait aucun doute mais on reste tout de même prudent vu la fin de saison de la franchise du nord des Etats-Unis. Afin de juger de la détermination des troupes de Frank Vogel, il nous tarde de les voir à l'oeuvre lors de cette première série face aux Hawks qui débute ce soir.
- Danny Granger, une importance sous-estimée ?
Robin Foucault : Nous sommes le 21 février 2014, soir de trade deadline en NBA. Indiana est solidement installé en tête de la conférence Est, objectif avoué du début de saison pour les Pacers. Mais la domination sans partage des hommes de Frank Vogel ne semble plus suffire à Larry Bird. Celui-ci fait usage de ses fonctions de président des opérations sportives pour envoyer Danny Granger à Philadelphie, et ce sans la moindre concertation avec quiconque. En échange, Indiana récupère Lavoy Allen, mais surtout le talentueux Evan Turner.
Sur un plan purement sportif, le coup de poker tenté relèverait presque du coup de maître. En effet, Bird parvient à se séparer du genou fragile ainsi que du contrat expirant de l’ancien franchise player des Pacers tout en récupérant Turner, supposé capable de mener la seconde unité d’Indiana offensivement parlant, mais surtout à même de remplacer Lance Stephenson l’an prochain au cas où ce dernier déciderait de tester le marché. Mais dans les faits, le raisonnement de l’ancien joueur emblématique des Celtics paraît moins cohérent. En 27 apparitions sous le maillot jaune, Turner compile seulement 7,1 points (41 % de réussite), 3,2 rebonds et 2,4 passes par match. D’un point de vue statistique, l’apport de Granger était similaire.
Mais c’est surtout sur un plan émotionnel que le départ du numéro 33 se fait ressentir. Jeté comme un malpropre, Granger fait des appels du pied aux meilleures équipes de la ligue avant de finalement rejoindre la bande à Doc Rivers du côté de Los Angeles. Le vestiaire de la Bankers Life Fieldhouse - à commencer par Paul George - est atteint par le départ forcé de dernière minute d’un coéquipier fidèle et exemplaire. S’en suit une descente aux enfers inédite pour les partenaires de Roy Hibbert, avec un bilan médiocre de 15 victoires pour 13 défaites depuis ce transfert surprise. « Certains la jouent perso » selon le pivot All-Star des Pacers, à commencer par Stephenson et Turner, tous deux en fin de contrat l‘été prochain. Larry Bird souhaitait amorcer l’intersaison à venir avec un peu d’avance. Au détriment des résultats sportifs de sa franchise pour la saison actuelle ? L’avenir nous le dira.
Laurent Legrand : D'un point de vue chiffré, Evan Turner n'a pas compensé le départ de Danny Granger - 7,1 points contre 8,3 pour Granger. De plus, le bilan "post-Granger" est de 15 victoires pour 13 défaites (53,5 % de victoires) soit un bilan de 42 victoires pour 13 défaites (76,3 %) en présence du néo Clipper. Les chiffres sont tout de même significatifs puisque entre le All-Star Game et le départ de Granger, les Pacers restaient sur un bilan de 17 victoires pour 8 défaites (68 % de victoires). L'intronisation de Turner dans le système Vogel n'a pas eu - pour le moment - les effets escomptés et si cette postseason n'aboutit pas à la finale NBA, on reparlera longtemps de ce trade qui en définitive sera qualifié de "foireux".
Outre l'aspect statistique, le départ de Granger a dû tout de même chambouler l'équilibre du vestiaire. Granger a réalisé toute sa carrière à Indiana, il était considéré - avec D-West - comme le doyen et malgré les blessures à répétition, il a observé le groupe évoluer, grandir et se muter en prétendant au titre. Le collectif des Pacers étaient bien rodé, bien en place mais Larry Bird a souhaité renforcer son roster en intronisant Andrew Bynum et le versatile Evan Turner. A l'heure actuelle, le pari n'a pas fonctionné et si les Pacers affichent le niveau de jeu de fin de saison, ils n'iront pas loin dans ces playoffs. L'absence de l'impact psychologique, de la maturité d'un Granger nuit au groupe mais il va falloir renfermer ces beaux souvenirs et prendre conscience des potentialités de ce groupe en laissant les états d'âme au vestiaire. Indiana, avec Turner et Bynum, voit son potentiel décupler tout comme la probabilité d'atteindre les finales NBA.