Preview : Brooklyn, entre expérience et roublardise
Preview : Brooklyn, entre expérience et roublardise A partir du 19 avril, certaines franchises seront en mission. Les playoffs démarreront et ce sera le début de saison pour de nombreuses équipes. Car si les Bobcats et les Mavs sont heureux de retrouver les phases finales, d’autres franchises attendent ce jour depuis un an avec une seule idée en tête : le titre de champion. En effet, malgré 16 équipes participant aux playoffs et donc potentiellement 16 vainqueurs différents, toutes n’ont pas le même statut. Et nous ne parlons pas de favoris. Mais de concurrents et de prétendants. Le premier décrit une franchise dont l’objectif sera d’aller le plus loin possible dans la compétition, tandis que l’autre représente celles dont un autre résultat que la victoire finale serait synonyme d’échec. Profitant des duels du premier tour des playoffs, la rédaction d’ISB débat de ces statuts et délivre son verdict. Alors, Brooklyn… Concurrent ou prétendant ?
- Ce qu’il faut savoir sur Brooklyn
Bilan : 44-38 Classement : 6e à l’Est
Joueurs clés : Joe Johnson, Deron Williams, Paul Pierce, Shaun Livingston, Kevin Garnett
Chiffres clés : 35,7 tirs inscrits par match, 77,9 tirs tentés (avant-derniers de la ligue), 38,1 rebonds (avant-derniers de la ligue), différentiel points marqués / points encaissés : -1 (19e).
- Une Nets montée en puissance pour un Brooklyn encore concurrent
Robin Foucault : A l’aube de la saison régulière qui vient tout juste de s’achever, les ambitions de Brooklyn étaient élevées, à l’instar des dépenses consenties par Mikhail Prokhorov pour faire de sa franchise un sérieux prétendant au titre NBA. Kevin Garnett, Paul Pierce, Andrei Kirilenko, Jason Terry, Shaun Livingston… En signant cette ribambelle de joueurs confirmés, le front office ne cachait pas son objectif : faire des Nets une armada amenée à jouer les premiers rôles le plus rapidement possible. Mais l’entame de Brooklyn s’avère plus délicate que prévu, et au fil des déconvenues, c’est un vestiaire proche de l’implosion que doit gérer Jason Kidd pour son baptême du feu en tant que head coach. A la mi-décembre, les Nets affichent un bilan de 16 défaites pour seulement 9 victoires, et la blessure au pied de Brook Lopez n’améliore en aucun cas l’ambiance en interne. Pour couronner le tout, Lawrence Frank, ancien entraîneur de Kidd et aujourd’hui devenu son assistant, est remercié suite à de nombreux désaccords avec le coach rookie. A l’époque, Kevin Garnett raconte :
« Il faut arrêter de chercher des excuses, c’est des conneries. On doit se regarder dans une glace. Personne n’a dit que ce serait facile. On va devoir se mettre au travail. »
Et contre toute attente, Brooklyn se réveille. L’éviction de Frank couplée à la blessure de Lopez constituent ce qui semble être un véritable déclic pour des Nets en regain de forme. Pour combler l’absence de son pivot tourné vers l’offensive, Kidd tente un coup de poker en plaçant Paul Pierce au poste d’ailier-fort dans le cinq de départ. Brooklyn s’adapte alors à un nouveau style de jeu, le small ball. Le meneur Livingston joue arrière, l’arrière Johnson joue ailier-shooteur, l’ailier Pierce joue intérieur, et l’intérieur Garnett joue au poste de pivot. Entre la blessure de Lopez et le break du All-Star Game, le bilan des Nets est de 15 victoires pour 11 défaites.
Sur le papier, les pensionnaires du Barclays Center ont tout d’un prétendant : des éléments expérimentés, de nombreux shooteurs extérieurs, et un joueur clutch en la personne de Joe Johnson, régulièrement critiqué pour son salaire élevé malgré une ligne de statistiques honorable cette année (15,8 points à 45 % de réussite, 40 % derrière l’arc). En dépit de l’absence de Lopez, le secteur intérieur semble relativement bien fourni, avec Garnett, le rookie Mason Plumlee - surprenant tout au long de la saison - ainsi que le fantasque Andray Blatche, joueur irrégulier mais ô combien talentueux. L’intronisation de Livingston au poste d’arrière pose des problèmes à ses vis-à-vis : son physique atypique le rend difficile à défendre pour n’importe quel adversaire.
En 2014, Brooklyn affiche le meilleur bilan de toute la ligue (34-17), entaché néanmoins par les deux derniers matches de saison régulière, délaissés à des Knicks et des Cavaliers largement à la portée des hommes de Jason Kidd. Alors qu’ils semblaient destinés à affronter le fighting spirit de Chicago dès le premier tour, les Nets se déplaceront demain soir à l’Air Canada Center pour y défier de surprenants Raptors. Extrêmement solide à domicile, Brooklyn devra faire parler son expérience pour déjouer le jeune roster bien huilé de Toronto. Mais malgré la présence de nombreux joueurs All-Star, finalistes ou champions NBA, le vécu collectif des coéquipiers de Garnett semble trop maigre pour faire des Nets de réels prétendants au trophée Larry O’Brien dès cette année.
Véritable bête noire de Miami cette année, qu’ils auront sweepé au cours de la saison régulière, Brooklyn a cependant subi la loi d’Indiana (0-4) ou encore de Washington (0-3). Le fait d’être invaincu face au double-champion en titre ne doit pas dissimuler les carences d’une franchise encore trop tendre. Depuis l’intersaison 2012, ce sont plus de dix nouveaux joueurs qui ont rejoint l’énigmatique Deron Williams. Et l’été dernier, Jason Kidd a remplacé PJ Carlesimo sur le banc de touche. Malgré une intelligence de jeu indéniable, le défi paraît colossal pour un entraîneur dans sa première année.
- L’outsider le plus dangereux n’est pas favori pour autant
Manu P : Brooklyn a les attraits d'un futur vainqueur : un effectif de spécialistes des playoffs, une multitude de shooteurs extérieurs, et surtout un bilan de 34 victoires pour 17 défaites depuis janvier. Cette équipe sait en plus gérer les matchs serrés (huit victoires pour trois défaites quand la rencontre se joue à moins de trois points d'écart), et possède un sacré clutch player en la personne de Joe Johnson.
Mais la dure vérité est que les Nets n'excellent en rien, ils ne sont dans le top 3 d'aucune catégorie statistique. Leur réussite sur la deuxième partie de saison régulière est liée à deux facteurs : la faiblesse de la conférence Est, et la réussite inattendue du système D. Il est déjà miraculeux que l'équipe ait pu aussi bien s'en sortir après la blessure de Brook Lopez. En perdant sa principale force offensive à l'intérieur de la raquette, qui aurait cru que les Nets auraient compté sur un pivot rookie (Mason Plumlee) et un ailier-arrière au poste de power forward (Paul Pierce) ? De la même façon, on ne pensait pas que Shaun Livingston puisse revenir aussi fort pour soutenir Williams, blessé et en déclin.
La cote de Brooklyn a gonflé du fait qu'ils aient battu Miami quatre fois cette année, mais on oublie souvent que les Pacers les ont battu quatre fois également. Ils ont aussi perdu leurs trois face-à-face avec Washington. Ce match-up favorable avec la bande de LeBron James est dû au fait que Jason Kidd a été obligé d'adapter un système plus small ball : Brooklyn est similaire à Miami en ce qui concerne le très faible volume de tirs tentés et inscrits, et de rebonds. Mais le Heat est l'équipe la plus adroite du championnat avec 50 % de réussite, alors que les Nets ne sont que 21ème. Ce qui marche contre un ne fonctionne pas avec tout le monde.
Les Nets ont paradoxalement l'avantage d'avoir des joueurs qui n'ont pas marqué leur empreinte sur la saison (Garnett, Kirilenko) et qui devraient avoir un impact au moins psychologique pendant ces playoffs. Cette marge de manœuvre devrait leur permettre de surprendre les jeunes Raptors, qui eux ont du mal avec les matches serrés. Ils pourront voler quelques matchs au Heat mais c'est tout. Cette équipe est devenue trop bancale pour aller loin.
- Deron Williams sera-t-il déterminant ?
Robin Foucault : Le cas Deron Williams demeure un véritable mystère. Flamboyant au Jazz sous les ordres de maître Jerry Sloan, le meneur américain peine à trouver ses marques au sein de l’effectif des Nets depuis son arrivée à l’été 2012. En début de saison, certains avançaient ses blessures répétitives à la cheville ainsi que son léger surpoids pour expliquer le faible rendement d’un joueur de son calibre. Depuis, Brooklyn va mieux, et D-Will également. Sans pour autant être étincelant, ses performances sont davantage à la hauteur de son talent (14,3 points et 6,1 passes de moyenne). Malgré tout, nous sommes bien loin des statistiques qu’il alignait du côté de Salt Lake City : 18,7 points et 10,5 passes par match lors de sa dernière année dans l’Utah.
Brooklyn aura besoin que son meneur de jeu soit en forme pour espérer aller le plus loin possible en postseason. En effet, Shaun Livingston forme désormais le backcourt titulaire des Nets à ses côtés et sur le banc, seul le modeste Marquis Teague est susceptible de driver l’équipe. Aussi décisif soit-il durant les fins de matches serrées, Joe Johnson ne sera pas suffisant si Williams ne répond pas présent. Le véritable franchise player de Brooklyn, c’est bien lui. Le joueur autour de qui tout un projet est construit depuis bientôt deux ans, c’est bien lui. Mais sera-t-il celui qui permettra aux Nets de franchir un palier pour poser à nouveau des problèmes à Miami ? Premiers éléments de réponse dès demain, 18:30.
Manu P : On aurait tendance à oublier que c'est lui la star de l'équipe. Deron Williams est LE franchise player, pas Joe Johnson, ou les anciens Celtics en fin de carrière. Certes, il a eu des problèmes récurrents à la cheville, mais beaucoup se demandent si le déclin de l'ancien All-star n'est pas du au fait qu'il s'intégrait très bien dans le système de Jerry Sloan chez les Jazz mais qu'il n'est finalement pas un très bon créateur.
Son temps de jeu s'est réduit et avec 14.3 points et six passes par match, il est clairement en baisse de régime et semble parfois fatigué. Le problème, c'est que si Livingston a limité la casse à la mène, Williams reste le distributeur de ballons numéro 1 de l'équipe et son joueur le plus efficace. Si lui ne se surpasse pas pendant ces playoffs, on voit mal ses coéquipiers trentenaires prendre le dessus.
Article rédigé par Robin Foucault et Manu P