Phoenix Suns : la saison de l'apprentissage
Avec un effectif très jeune, les protégés d’Igor Kokoskov vivent une saison riche en enseignements, malgré les tempêtes de la défaite. Une étape nécessaire pour envisager un avenir plus ensoleillé.
Nous sommes le 5 décembre 2018, les Philadelphia Sixers viennent de s’incliner sur le parquet des Raptors sur le score de 113 à 102. Frustré, Joel Embiid, limité à 10 points ce soir-là, expédie rapidement les questions des journalistes américains et refusent de répondre en français aux journalistes francophones qui l’interpellent. La déception se lit sur tous les visages des Sixers, défaits sur le parquet d’un concurrent direct à la finale de l’Est. Deux mois plus tard, dans ce même vestiaire, les Phoenix Suns peuvent être encore plus frustrés, ils viennent de perdre de deux points, sur un lay up de Pascal Siakam au buzzer. Pourtant, l’ambiance dans le vestiaire est bon-enfant. DeAndre Ayton, de retour de la douche, blague avec des journalistes qui se trouvent devant son locker « Eh les gars vous prenez des risques à rester ici », lance-t-il. Elie Okobo répond avec le sourire aux journalistes francophones, tout comme Devin Booker avec la presse locale et américaine. Le contraste est saisissant entre une équipe de Philly, équipe du haut de tableau qui accorde beaucoup d'importance à chaque défaite, et de très jeunes Suns, classés dans les bas-fonds de la conférence Ouest, qui savent qu’ils n’ont rien à jouer cette saison, si ce n’est de progresser collectivement pour préparer un avenir qui s’annonce plus radieux que cette saison 2018-2019.
Ce soir-là, les hommes d’Igor Kokoskov ont démontré qu’ils avaient le potentiel pour tenir tête à l’une des meilleures équipes de la NBA, certes privée de son meilleur joueur, mais toujours difficile à jouer dans son antre de la Scotiabank Arena. Il leur a seulement manqué ce petit grain d’expérience qui leur fait logiquement défaut avec une moyenne d’âge de 23 ans pour les joueurs ayant participés à la rencontre (Jamal Crawford 37 ans et Ryan Anderson 30 ans n’ayant pas joué). Malgré son jeune âge, l’analyse de Devin Booker (22 ans), la star de l’équipe interrogée après la rencontre, est déjà pleine de maturité. L’objectif pour son équipe est d’apprendre de ce genre de défaites encourageantes.
Je crois que nous avons appris une leçon aujourd’hui : chaque possession est importante. Surtout quand vous jouez une équipe comme celle-ci, première à l’Est, une équipe de playoffs, une équipe qui a le potentiel pour jouer le titre. Leur attention envers les détails était très importante, j’espère que nous pouvons apprendre de ça. Chaque possession compte, ce n’est pas juste le dernier panier de Siakam, c’est tout le match, sur chaque possession nous devons communiquer les uns avec les autres. Nous l’avons vu sur ce match, quand nous communiquons ça fonctionne, quand nous ne le faisons pas, ça ne marche pas. J’espère que nous pouvons nous rendre compte de ça et revenir avec plus d’énergie et une plus grande attention envers les détails.
Faire attention aux détails, c’est aussi passer outre les décisions arbitrales qui vont en défaveur de l’équipe. En début de quatrième quart-temps, Josh Jackson, qui restait sur 5 points de suite et qui semblait monter en régime, a complètement pété un plomb en commettant une faute anti-sportive sur Chris Boucher, qui lui a valu sa deuxième faute technique et une expulsion. Avec deux lancers francs offerts en plus du panier marqué par l'intérieur, et un tir à 3-points de Kyle Lowry inscrit dans la foulée, les Suns ont encaissé en tout et pour tout 7 points sur une seule possession.
C’était un gros run (en une action), notre niveau émotionnel était trop élevé à ce moment-là, explique Booker. Je pense que nous cherchons le respect, nous devons le gagner. On se rend compte que nous sommes au fond de la conférence Ouest et ils sont en haut de l’Est. Nous pouvons nous plaindre des coups de sifflet à chaque match, mais personne ne nous respecte, nous devrions le savoir désormais, tout le monde le sait, on joue une top team, nous devons travailler pour gagner ce respect. […] C’était un match émotionnel, très émotionnel. A ce moment-là, on ne pense pas aux fautes techniques ou flagrantes ou à être éjecté du match, on n’y pense pas. On doit apprendre à oublier ce qui s’est passé sur le moment, on ne peut plus rien y faire de toute façon, et passer à l’action suivante.
A Phoenix, ce sont non-seulement les joueurs qui sont en période d’apprentissage, mais également l’entraineur. Igor Kokoskov a certes une très grande expérience en tant qu’assistant coach, mais il demeure un head-coach rookie. Même si un match ne se joue pas sur une possession, comme il l’a rappelé en conférence de presse, le fait est qu’il a été surpris de l’identité du Raptor qui a pris le tir de la gagne.
Sur la dernière action, je ne peux pas dire que nous n’avons pas été surpris, ils nous ont surpris. Ils avaient Kyle Lowry sur le terrain, qui est habituellement leur go-to-guy dans les instants décisifs. Personnellement, je pensais qu’il allait prendre le dernier tir. C’est revenu à Siakam, qui est un très bon joueur, il est long, intelligent, nous avions nos deux meilleurs défenseurs sur lui pour le stopper ou le contrer, nous n’avons pas réussi à le faire. C’était un sacré tir, Siakam a réalisé une grosse action, mais le match ne s’est pas joué sur une action, on ne peut pas mettre une défaite sur le compte de la dernière action. Je n’ai jamais cru à ça et je n’y crois toujours pas ce soir. Nous avons joué une très bonne équipe, nous leur avons tenu tête, mais on doit jouer plus simple, commettre moins de pertes de balle, il nous faut plus de discipline. Nous avons joué une bonne équipe à domicile, nous pouvons quand même être satisfaits de notre performance. Pour battre une équipe de Toronto sur son terrain, il faut quasiment faire le match parfait.
S’il doit encore s’atteler à corriger ces détails qui font la différence face aux grosses cylindrés de la ligue, le coach semble avoir, en revanche, trouvé la bonne formule dans le back court en associant Devin Booker, qui progresse de match en match à la mène, au nouvel arrivant Kelly Oubre Jr. Derrière, le technicien n’a pas tranché entre ses deux meneurs rookies, De’Anthony Melton (29 matchs joués, 21,9 min/match) et notre Frenchy, Elie Okobo (28 matchs et 18,4 min/match), qui affichent un temps de jeu quasi-similaire et des stats assez proches. Si l’Américain démarre plus souvent les rencontres (21 titularisations), Okobo demeure au même niveau que son concurrent dans les plans du coach serbo-américain.
C’est un jeune joueur, nous l’aimons beaucoup, nous l’avons drafté et nous voulons le développer. Il fait du bon travail. Pour avoir plus de temps de jeu ? C’est une question piège. Il doit jouer son jeu, travailler dur et être disponible en tant que meneur. Il fait du bon travail. Peu importe ce dont l’équipe a besoin. Vous savez, nous avons deux jeunes meneurs, deux rookies, nous les aimons tous les deux. Nous avons Booker qui est notre manière de ballon principal, ce n’est pas facile pour lui (Okobo), mais ce n’est pas mauvais non plus. Beaucoup de rookies ne jouent carrément pas.
Elie, de son côté, nous a confié que son temps de jeu fluctuant et le fait de ne pas savoir d’un match à l’autre s’il allait jouer ou pas ne lui posait pas de problème.
Ça fait partie de la vie d’un rookie, je pense. Il faut juste être prêt à rentrer sur le terrain et apporter quelque chose à l’équipe pour gagner le match, c’est ce que j’essaie de faire chaque soir. […] J’apprends, je progresse, je travaille dur. Je prends du plaisir à être ici, à apporter quelque chose à l’équipe. Je me sens de plus en plus confiant et serein sur le terrain. Maintenant, c’est à moi d’apporter ce que je peux apporter défensivement, offensivement et dans l’énergie.
En tant que rookie, il est plus que quiconque dans la position de l’apprenant. En l’absence d’un meneur d’expérience au sein de l’effectif, c’est Jamal Crawford qui joue le rôle de mentor auprès de lui.
Avec Jamal on parle beaucoup, on échange tous les jours, on discute, on parle du basket et d’autres choses. Vraiment, il m’apporte beaucoup. Même quand j’étais en G League, on s’écrivait, il regardait les matchs. J’aime beaucoup ce qu’il fait, c’est son rôle de vétéran et il le fait vraiment bien. Après, avec les autres joueurs, on communique entre-nous, on se donne des conseils, on apprend les uns des autres et on travaille dur tous ensemble.
Si les résultats ne sont pas là, l’état d’esprit est le bon du côté de la franchise de l’Arizona. Après des années de disette, les fans des Suns peuvent commencer à retrouver le sourire, surtout qu’à la prochaine draft, où ils ont de grandes chances d’avoir l’un des premiers choix, ils pourraient bien ajouter un Zion Williamson ou un RJ Barrett à un effectif qui ne manque déjà pas de talent.