Les Sixers peuvent-ils mettre fin à l'ère du Small-Ball en NBA ?
Cette affirmation pouvait sembler iréelle il y a encore quelques années mais la tendance est bien vérifiable à l’aube de cette saison 2019/2020. Et si la décennie 2020 était marquée par la fin du Small-Ball, symbole de la décennie 2010 ?
Il est important de le rappeler à quelques heures du premier entre-deux d’une nouvelle saison NBA prometteuse, mais les Warriors ne sont plus champions en titre. Après avoir glané 4 titres en 5 ans, accompagnés par un record de régulière (73-9) sans bague, leur hégémonie a été brutalement stoppée par la résistance canadienne en Juin dernier. Les Raptors sont champions en titres, et ce même malgré le départ précipité de leur MVP des finales, Kawhi Leonard. Alors que faut-il retenir de ce faux pas inédit en Finales NBA ? Peut-être la fin d’une époque, tout simplement. Les Warriors ont représenté pendant une grande partie de la dernière décennie ce jeu spectaculaire, rapide et surchargé de tirs extérieurs qui a attiré autant d’amoureux que de haineux. Le Small-Ball, c’est le nom qu’a porté leur système unique basé autour de Stephen Curry, Klay Thompson, Andre Iguodala et Draymond Green. 4 joueurs petits ou de taille moyenne, un évènement au début de la décennie qui a provoqué une généralisation dans toute la ligue. Par la suite, Kevin Durant est venu sublimer ce collectif mais à la base, c’est sans lui que les Warriors ont fait tomber tant de records.
Sur ces mots, on pourrait presque parler d’un passé lointain aujourd’hui, tant l’ère des réseaux sociaux laisse toujours place à la culture de l’instantané en NBA. Mais trêve de philosophie, la défaite des Warriors face aux Raptors a-t-elle signé la fin de l’ère Small-Ball en NBA ? Peut-être. Cependant, il ne faut pas oublier que Golden State a perdu dans des circonstances atténuantes. Les graves blessures lors de ces finales de Kevin Durant et Klay Thompson auront toujours pesé sur l’environnement de travail général de la franchise californienne, bien que ça ne justifie pas la contre-performance de l’ensemble du reste de l’effectif. Cette défaite a donc peut-être mis fin à la domination d’un modèle qui a pourtant marché à merveille depuis près de 10 ans. En tout cas, il a posé la première pierre. Les autres fondations de cette hypothétique construction ont été posées un mois plus tard, lors de la free agency.
C’est en Pennsylvanie que notre voyage dans les fondements du jeu nous emmène. Dans des mouvements assez inattendus, les Sixers ont profité de la free agency pour modifier assez fortement leur façon de fonctionner. Les dossiers Jimmy Butler et Tobias Harris étaient très délicats à gérer, et on peut considérer que Philadelphie s’en est plutôt bien sorti. Dans un vlog intéressant à regarder, Jimmy Butler a expliqué qu’après moultes réflexions, il a décidé en compagnie de sa famille de déménager vers la Floride. Son choix était irréfutable, et Elton Brand a très vite compris qu’il ne pourrait rien y faire. Alors comme tout bon GM, il s’est activé en coulisses dans le calme et le silence pour tirer le meilleur de cette mauvaise nouvelle implacable. Il a alors accueilli Josh Richardson en échange de Jimmy Butler, un moindre mal. Mais plus encore, il a signé au prix cher Al Horford, l’ex intérieur des Celtics qui n’aura pas voulu relancer une aventure déjà bien trop pesante dans le Massachussets.
110 millions sur 4 ans pour un Al Horford vieillissant c’est cher, très cher même. Mais Elton Brand n’est pas né de la dernière pluie et sait très bien ce qu’il a fait. L’an passé, les Sixers ont échoué malgré un effectif d’une immense qualité. Certes, perdre un match 7 sur un vieux buzzer-beater qui a ricoché 15 fois sur le cercle, c’est rageant. Mais c’est aussi symptomatique d’une équipe qui n’aura pas su faire plier Toronto avant cet exploit. Al Horford va amener son expérience dans un but précis, construire un 5 majeur inédit. Ben Simmons, Josh Richardson, Tobias Harris, Al Horford et Joel Embiid seront alignés d’entrée sur le parquet. 4 joueurs font plus de 2m06, et Richardson fait office de ‘’petit’’ du haut de son mètre 98. Ces Sixers vont marcher sur un terrain inédit mais pourtant, ils font peur à toute la conférence Est, au minimum. Cette équipe tente le Tall-Ball envers et contre tout. En s’opposant à l’explosion du tir extérieur. Et après tout pourquoi pas ?
Si les Sixers réussissent leur pari du Tall-Ball, ils pourraient bien inspirer d’autres équipes à suivre leur initiative. En faisant le tour de la ligue, on peut d’ailleurs repérer que des tentatives de Tall-Ball plus timides et relatives pourraient voir le jour. Il ne faut pas oublier que le Small-Ball avait vu le jour de la même façon. Les Warriors avaient ouvert la voie, avant que leur réussite ne pousse les autres à les suivre en toute logique. Alors à Philadelphie, lancer un mouvement d’une ampleur similaire, c’est forcément tentant. Pourtant, ce fond de jeu n’a rien de révolutionnaire. Il est même supposé moins spectaculaire que les bombardements à 3 points. Mais il a tout pour ravir les foules. Mieux, rallumer une flamme qui sommeille doucement mais surement chez les anciens fans de la NBA des années 90 encore très nombreux. Un jeu plus dur et téméraire qui a même su survivre aux nouvelles générations qui peuvent parfois être nostalgiques d’un basket qu’ils n’ont même pas connu grâce à l'héritage éternel des Bulls de Michael Jordan.
Quelles équipes pourraient suivre une éventuelle nouvelle vague de Tall-Ball ? Du côté de Orlando d’abord, on devrait continuer une formule qui a bien fonctionné l’an passé. Le backcourt D.J Augustin et Evan Fournier est assez petit mais derrière, Aaron Gordon, Jonathan Isaac et Nikola Vucevic partagent un immense secteur intérieur bien fourni. La formule a fait ses preuves, notamment en défense, et la réussite de Philly pourrait les pousser à tirer sur la corde. De la même façon, Detroit affiche une paire intérieure Blake Griffin / Andre Drummond assez impressionnante malgré ses difficultés à faire ses preuves. Exit le modèle du poste 4 qui s’écarte dans le Michigan. Dans des tentatives plus jeunes et inédites, Sacramento devrait continuer d’aligner Marvin Bagley III au poste d’ailier-fort avec un joueur de 2m13 donc, tout sauf anodin. Enfin, ce sont les Blazers qui vont fermer la marche en innovant dans du Tall-Ball cette saison. Zach Collins va être propulsé titulaire au poste d’ailier-fort suite aux départs de Al-Farouq Aminu et Maurice Harkless. Un autre test grandeur nature avec un pivot qui va aller contre son poste de prédilection qui sera à surveiller. Vous l’avez compris, le Tall-Ball est peut-être en train de s’installer en NBA derrière les ambitions des Sixers en faisant puissamment face au Small-Ball des Warriors qui reste sur un échec. Alors, révolution ou simple tendance passagère ?