L'intégration de DeMar DeRozan : le début d'une ère nouvelle à San Antonio
Avec la retraite de Manu Ginobili, c'est le point final d'un livre dont les premières lignes furent griffonnées il y a quasiment deux décennies maintenant. Les Spurs vont débuter un nouveau chapitre de leur histoire, avec pour seule certitude, l'assurance de voir évoluer sous leurs yeux un nouveau joueur, d'ores et déjà promulgué chef de file de cette escouade texane au visage bien changé.
- La fin d'une époque
L'été 2018 restera comme celui de la fin du trio mythique des Spurs. Si Tim Duncan avait pris sa retraite deux ans auparavant, ses deux compères de l'époque subsistaient toujours au sein du roster texan. Pour des raisons diverses, Tony Parker et Manu Ginobili ont décidé d'emprunter des chemins différents. Pour l'un, la recherche d'un nouvel enjeu sportif est venu mettre fin à la belle histoire entre le frenchy et les Spurs. Pour l'autre, une retraite méritée après une carrière aboutie et somptueuse, parachevée de 4 titres NBA et dont le souvenir restera celui d'une légende du jeu.
Cet été résonnera également comme la fin de la compétitivité à "court-terme" de San Antonio. Paradoxal me direz-vous puisqu'en récupérant un joueur de la trempe de DeMar DeRozan, les Spurs sont bien décidés à rester dans le mouvement, du moins à continuer d'exister en playoffs. L'ubuesque saga Kawhi Leonard rythmant (dans le mauvais sens) la saison des Spurs, R.C Bufford trouvait que la situation avait trop duré et décida de se séparer de son franchise-player, dont la tête et les attentes n'étaient plus en adéquation avec la franchise.
Les Spurs ont donc récupéré en échange le quadruple All-Star DeMar DeRozan. Très affecté par son départ et en quelque sorte, la trahison orchestrée par la franchise qui l'a drafté 9 ans plus tôt, la nouvelle fut dure à avaler pour le natif de Crompton. Nul doute que le management des Spurs, plébiscité par l'ensemble des observateurs (bien que remis en question à l'occasion de l'affaire Leonard), saura trouver les mots justes afin de remettre dans le droit chemin, un joueur qui doit sembler perdu à l'heure où ces lignes sont écrites.
- l'intégration derozan
Car oui, c'est une toute nouvelle aventure qui se présente face à DeRozan. Lui qui n'a connu qu'une seule équipe depuis le début de sa carrière, seulement deux coachs comme tutelle et a formé pendant 6 ans, un duo qu'on pensait alors inséparable, avec son ami Kyle Lowry.
Le visage et la structure des Spurs prend également un tournant. Peu importe les époques, l'équipe de Gregg Popovich s'est toujours détournée en un collectif bien huilé dont aucun joueur (hormis Tim Duncan) n'était réellement la figure de proue. Désormais, on aura droit à l'équipe de DeRozan.
Dépourvu de ses pierres angulaires, Popovich va devoir trouver les meilleurs ajustements pour entourer sa star et permettre à son équipe de briller. Le principal acolyte de DeRozan sera bien évidemment LaMarcus Aldridge. Libéré par l'absence de Leonard et une confiance retrouvée, LMA a réalisé une grande saison avec les Spurs (23.1 points à 51% au tir, 8.5 rebonds, 2 passes et 1.2 blocks de moyenne). Si l'an dernier, l'attaque de San Antonio s'est chargée de nourrir L-Train au post, la nouvelle mode automne-hiver à SA pourrait ressembler à un pick&roll DeRozan-Aldridge, qui a de quoi nous mettre en appétit. Derrière, c'est un peu l'inconnu. Il y a bien une kyrielle de jeunes joueurs de talents, mais encore sous la forme d'un état brut et expérimental (Dejounte Murray, Davis Bertans ou Lonnie Walker IV). D'ailleurs, il sera temps pour le jeune meneur des Spurs d'exploser. Après une campagne rookie intéressante, sa saison sophomore a déçu. L'ancien 29e choix de draft doit désormais confirmer les espoirs placés dans ses bras interminables.
Il est à souligner également qu'à l'époque, l'insertion de Kawhi en tant que franchise-player avait été progressive, l'intéressé s'imposant au fur et à mesure comme le digne héritier du trio. Utilisé d'abord pour défendre sur le meilleur extérieur adverse, Kawhi Leonard s'est mué au fil des ans en le leader offensif des Spurs, jusqu'à en acquérir le statut de maître à jouer. Depuis, son nom a certainement dû être rayé du testament. L'intégration de DeRozan dans la peau d'un leader sera quant à elle, immédiate.
- Quels changements ?
L'incorporation de DeMar au roster texan pose plusieurs interrogations auxquelles le staff des Spurs devra répondre au mieux : Quid d'une des meilleurs défenses du pays et réference en la matière depuis des années qui vient de perdre deux de ses meilleurs éléments dans le secteur ? Quid de l'arrivée d'un joueur typé "old-school" au sein d'une équipe qui semble elle aussi pratiquer un jeu d'un autre temps ?
En effet, sur ce dernier point, le numéro 10 et les Spurs semblent sur la même longueur d'onde. DeRozan est un joueur de périmètre dont il fait de son tir à mi-distance, une arme létale. Ça tombe bien car San Antonio est la 3e équipe à avoir tenté le plus de tirs entre le cercle et la ligne à 3 points la saison dernière. Quant à DeRozan, il est le joueur ayant tenté le plus de jump-shots dans cette zone intermédiaire. Dans une ligue où des coachs tel que Mike d'Antoni fustigent ce tir à mi-distance, les Spurs vogueront à contre-courant. Qui se ressemble, s'assemble dit-on et le gourou Popovich devra trouver des solutions pour étirer le terrain afin de permettre à ses deux meilleurs joueurs, de pouvoir user comme ils l'entendent d'une de leur ressource favorite. La tâche sera ardue. Alors que les Spurs étaient la 26e équipe en terme de 3 points tentés l'an passé, ils viennent de perdre trois de leurs meilleurs contributeurs en la matière cet été avec Leonard, Green et la récente retraite d'El Manu. Qui plus est, en récupérant un joueur comme DeRozan, qui a certes progresser dans le secteur (30% depuis le parking cette année), les Spurs s'affaiblissent considérablement dans ce registre surexploité qu'est le tir à 3 points.
La perte de Kawhi Leonard (ainsi que celle sous-estimée de Danny Green) vient nous interroger sur le futur de la défense des Spurs. L'une des meilleures défenses du pays depuis le siècle dernier (2 ème l'an passé avec 104.8 points encaissés sur 100 possessions en moyenne) se voit orpheline du deux fois meilleur défenseur de l'année (en 2015 et 2016) et d'un garçon comme Danny Green, référencé en la matière. Connu davantage pour son bagage offensif que pour sa capacité à contenir son adversaire en 1 contre 1, DeMar DeRozan va devoir progresser dans ce domaine s'il ne souhaite pas recevoir de soufflante de la part de papy Gregg. Cependant, les Spurs ont du matos pour prétendre à rester haut placé dans leur propre moitié de terrain. Dejounte Murray et Lonnie Walker IV sont de beaux spécimens physiques. Les Davis Bertans ou Jakob Poetl, moins aidés par la nature, compensent par un sens du placement intelligent. Enfin, personne ne rechignera au travail défensif et l'ensemble des petits défauts de chacun s'en verra atténuer. On peut faire confiance au staff des Spurs pour orchestrer et accorder les violons de tout ce beau monde.
L'intégration d'une star chamboule indéniablement les plans d'une équipe. Surtout une dynastie comme les Spurs, qui a sû batir un empire à partir d'un trio pendant près de vingt ans. A n'en pas douter, la fusion de DeRozan avec sa nouvelle franchise sera l'une des attractions de ce début de saison.
- l'avenir des spurs
Ce trade afin de récupérer DeMar DeRozan marquait l'envie et l'espoir de rester compétitifs immédiatement et de ne pas tomber dans un processus de reconstruction long et pénible, bien que parfois nécessaire. San Antonio est un petit marché et ne peut se permettre de tomber dans l'oubli, surtout quand dans le même temps, les voisins de l'Etat deviennent de sérieux candidats au titre (coucou les Rockets et Carmelo Anthony) ou un phénomème de hype (coucou les Mavs et Luka Doncic).
Alors que l'on croyait que les Spurs s'embourbaient dans une histoire à la fin tragique, San Antonio s'est dépatouillé pour obtenir une contre-partie convenable en échange de son ex franchise-player. Bien qu'All-Star confirmé et un des touts meilleurs joueurs de la conférence Est, DeMar DeRozan reste enclavé avec cette étiquette d'homme de régulière, incapable d'élèver son niveau de performance, lorsque le besoin s'en fait ressentir au cours de la période annuelle des playoffs.
Si le plafond des Spurs semble clair, l'habileté de Gregg Popovich à se réinventer année après année peut permettre aux fans de la franchise de rêver toujours plus loin. Chaque année est censée être la "dernière" des Spurs. Mais ils subsistent toujours, prenant un malin plaisir à déjouer les pronostics de chacun.