C'est arrivé en playoffs : les Knicks au buzzer

Au cours d'une saison 1998-99 modèle réduit, New York dernier qualifié à l'Est s'offre le numéro 1 Miami, à la dernière seconde du match décisif.

Peut-on faire plus héroïque ? Vous êtes le dernier inscrit face au premier de la classe, l'équipe des vilains petits canards contre les All-NBA Alonzo Mourning et Tim Hardaway, vous parvenez à tirer l'adversaire jusqu'au match décisif, et vous allez le poignarder chez lui au moment où sonne la sirène finale.

Bienvenue en 1999, la saison bâtarde qu'on préfère souvent oublier, une année réduite dans une gueule de bois post-Jordan. En 50 matchs, difficile de définir de vrais favoris, surtout à l'Est. Miami finit en tête avec seulement 33 victoires pour 17 défaites, à égalité avec Indiana et Orlando. Autant dire que même à côté des Knicks et leur 27-23, le Heat n'est pas non plus Goliath.

Quand Floridiens et New-Yorkais se retrouvent pour le premier tour, c'est presque une habitude : c'est la troisième année de suite qu'ils s'affrontent en play-offs. Les équipes se connaissent bien mais on se demande si Latrell Sprewell change la donne. L'équipe n'est pas vraiment meilleure depuis son arrivée en début de saison, il doit composer avec Allan Houston qui était jusque là le shooter des Knicks, et un Pat Ewing de 36 balais qui commence clairement sa phase de déclin. Mais on s'attend à une série serrée, du fait que les deux franchises ont remporté deux face-à-face chacune durant la saison régulière, dont un succès pour New York lors du tout dernier match.

Oui, mais excepté un précédent entre Denver et Seattle en 1994, aucun numéro 8 n'a gagné une série de play-offs à l'époque.

L'affrontement prend des allures de ping-pong : NY gagne de 20 points à Miami, le Heat remporte le deuxième round de 10 points, les Knicks reprennent l'avantage à domicile avec 25 pions d'écart, mais se font reprendre au match 4 avec une défaite de 15 points. Derrière les scores déséquilibrés se cachent surtout des statistiques immondes : Miami tire à 40 %, et Tim Hardaway implose complètement, shootant à 24 % de réussite, pour seulement neuf points de moyenne, contre 17.4 pendant la saison régulière.

New York a sans doute l'ascendant psychologique pour ce cinquième match décisif, les hommes de Big Apple ne sont pas beaucoup mieux lotis en attaque, mais leur défense les tirent vers le haut. En plus, les médias rappellent allégrement que les Knicks n'ont jamais perdu lors d'un Game 5 de premier tour.

23 partout après le premier quart. Rien ne se décide, aucune formation ne semble sur le point de prendre les devants. À y voir de plus près, Miami a peur et son adversaire le sent. Le travail défensif de Larry Johnson et Ewing est payant. Mourning prend sa troisième faute quatre minutes avant la mi-temps, Hardaway score certes au buzzer suivant mais dans l'ensemble les tirs ne rentrent pas. S'il est affiché 60 partout à la fin du troisième quart-temps, c'est surtout parce que P.J Brown et Jamal Mashburn limitent la casse.

Chaque possession est un labeur offensif, et les rebonds dans la raquette adverse deviennent indispensables. Des minutes se passent sans que rien ne rentre, trois points comme lancers-francs. Sur une belle bataille devant l'arceau, Larry Johnson donne un petit point d'avance aux visiteurs, 74-73.

Mourning ne se laissera pas faire comme ça. Il arrache un panier sur l'action suivante. Tout semble plus lent, les phases de jeu durent une vingtaine de secondes. En voulant recréer le même plan, sur la possession suivante, Zo remet la balle en urgence à Voshon Lenard. Trop tard. 24 secondes écoulées.

La balle est rendue aux Knicks, et Ewing a décidé qu'il s'agirait d'un affrontement entre big men. Lui qui a fait une frayeur aux fans plus tôt dans la soirée en se mettant à boiter, montre qu'il est physiquement toujours capable de forcer une défense. Malheureusement son tir à une main rate la cible et le Heat prend le rebond à une minute de la sirène, avec en cadeau une faute de Charlie Ward qui envoie Miami aux lancers-francs. Terry Porter fait le boulot et donne trois points de marge aux hôtes. Au tour de New York : Sprewell tente sa chance et manque, Ewing prend le rebond et arrache deux tirs bonus. 77-76. Miami relance mais Hardaway se fait chiper la balle par Sprewell, les visiteurs récupère le scenario parfait. 24 secondes à jouer, une attaque pour renverser le score et la saison.

Évidemment on va laisser le temps s'écouler, mais qui va shooter ? Le lézard Sprewell se faufile sur la remise en jeu, reçoit la balle, et cherche l'écran avec le vieux Pat. Il lui passe le bébé, et Ewing coincé la lui remet près de la ligne de touche. Latrell multiplie les feintes, la défense réagit et dévie le ballon dehors. Quatre secondes et demi à jouer.

C'est là qu'Allan Houston, plutôt discret dans cette ultime bataille, surgit tête de raquette, protège la balle de Dan Majerle, s'élève en avançant et décoche un tir léger, qui va taper l'arceau, puis la planche, et redescend délicatement à travers le filet. 78-77, et huit dixièmes pour sauver Miami. Terry Porter lâche une patate chaude qui tape l'arc puis s'envole comme les ambitions de la franchise floridienne.

Houston vient de recréer The Shot, le tir culte de Jordan contre Cleveland dix ans plus tôt, et de lancer la plus belle épopée d'un outsider en NBA. À un point d'une sortie banale au premier tour, New York portée par l'euphorie remporte la série et va surprendre toute la Conférence pour aller nourrir les Spurs en Finales.

Les Knicks ne le savent alors pas mais ils n'ont plus jamais été aussi populaires que cette année où ils étaient les underdogs, une équipe avec peut-être moins de talent mais plus de gnaque. Houston, Sprewell et Johnson sont devenus cultes du côté du Madison Square Garden. Peu de gens peuvent en dire autant depuis 15 ans.

Miami et New York se retrouveront la post-season suivante pour la quatrième fois consécutive, cette-fois en demi-finales. Le Heat aura l'occasion de se venger avec un scenario identique ! Game 7, à domicile, mené d'un point à trente secondes du terme. Mais pas d'exploit cette fois, et une nouvelle élimination prématurée. De toute façon, les Knicks nous avaient déjà expliqué que la notion de favori ne vaut pas grand chose.