Kevin Porter Jr : Ascension, chute et épilogue d'un écorché vif à Cleveland

Déjà cité dans de multiples faits divers gênants pour la franchise des Cavaliers et lui-même, Kevin Porter Jr est allé trop loin ce Vendredi, en pétant les plombs avec coéquipiers, staff et GM dans le vestiaire. Son avenir en NBA s’écrit désormais en pointillés, l’occasion de revenir sur le mariage avorté entre un écorché vif et une équipe qui aura tout essayé.

Le dossier de Kevin Porter Jr, sous le feu des projecteurs depuis le week-end dernier, est aussi l’occasion de rappeler que derrière chaque joueur NBA se cache un être humain, vulnérable comme n’importe qui dans une société intransigeante. Dans des proportions diverses, les problèmes extra-sportifs qui ont pu toucher James Wiseman, Tremont Waters ou Allen Iverson par le passé sont la preuve qu’on ne peut dissocier un athlète de sa dimension humaine. Comme n’importe qui, chacun a sa façon de réagir lorsqu’un drame touche sa vie privée. Certains vont se relever rapidement, là où d’autres auront besoin d’un certain temps. En ce qui concerne Kevin Porter Jr, peu de suiveurs de la NBA connaissent son passé sur le plan humain, il a pourtant pleinement impacté le basketteur impétueux qu’il est devenu aujourd’hui. Pour rappel, l’arrière des Cavs devrait bientôt être libéré après avoir violemment insulté ses partenaires après l’entraînement de Vendredi, comme on vous l’annonçait hier.

 

Avant la Draft 2019, Kevin Porter Jr faisait partie de ces joueurs qui comprenaient un ‘’red flag’’ sur leur dossier. Il a été catalogué par les différents scouts qui l’ont suivi dans son adolescence comme sujet à des problèmes comportementaux, à raison malheureusement aujourd’hui. Des troubles qui remonteraient à ses jeunes années où KPJ a d’abord dû essuyer la perte tragique de son père. En grandissant dans une précarité extrême, il n’a donc très vite pas eu d’autre choix que de réussir dans sa carrière de basketteur. Un rêve devenu réalité lorsqu’il est sélectionné par Cleveland à la 30ème place de la Draft. Il y a 1 an et demi, les Cavs avaient en effet choisi de parier sur ce jeune talent en dépit des signaux d’alerte annoncés, en dépit aussi d’une saison NCAA à USC (South California) écourtée en raison de ‘’comportement inapproprié’’, ce qui avait provoqué sa suspension après 21 rencontres.

 

Lors de sa saison rookie, tout portait à croire que les Cavaliers avaient tiré le gros lot en choisissant Kevin Porter Jr ! Prometteur en sortie de banc, il apportait une vraie fraicheur dans cette équipe en reconstruction, capable de prendre feu à n’importe quel moment, comme le 25 Février dernier où il enregistra son record en carrière contre Miami, auteur de 30 points. Au fil de la saison, le rookie était véritablement monté en puissance. De plus, l’instabilité ambiante pouvait à l’époque justifier ses absences à l’entraînement ou ses écarts de langage, se faisant assez rares. Il faut aussi rappeler que son premier entraîneur en NBA, John Belein, n’était pas le plus grand des pédagogues lorsqu’il s’adressait à certains de ses joueurs en les nommant ‘’des voyous’’. Sans doute plutôt maladroit que méchant, ça n’empêche que Belein n’avait pas installé le meilleur des climats pour un sujet sensible tel que KPJ. Son remplacement à l’aube de la saison 2020-2021 était une bonne nouvelle. Cependant, des craintes avaient déjà été soulevées après l’arrêt de la saison passée dû au Covid sur les conséquences que l’isolement provoquerait chez le turbulent Porter Jr.

 

Les Cavs visaient malheureusement juste. Pendant l’intersaison, le jeune talent a en effet partagé certaines pensées suicidaires sur ses réseaux sociaux, suscitant l’inquiétude générale. Plus de peur que de mal, mais une alerte en plus. Puis tout a dégénéré lors des derniers mois. Le 15 Novembre dernier, il a d’abord été l’acteur d’un scandale à Cleveland lors d’un contrôle de police. Au volant de sa Mercedes, Kevin Porter Jr s’est endormi au volant, provoquant un accident et quelques tonneaux sans faire de blessé grave par chance. Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur les lieux, le contenu de son véhicule a fait polémique. Il détenait dans sa voiture une arme chargée, ainsi qu’une certaine quantité de marijuana.

 

Relâché sous caution après ce fâcheux incident, il n’aura malheureusement attendu que 2 petits jours pour refaire la Une des journaux locaux pour des mauvaises raisons. Une affaire remontant à Août 2020 a refait surface après qu’il ait frappé une femme au visage, à la suite d’une altercation impliquant sa sœur dans la banlieue de Cleveland. Deux affaires qui ont encore un peu plus entaché la réputation de Kevin Porter Jr, difficilement pardonnable dans ces cas-là il faut bien l’admettre. Ce cycle infernal a continué dès la reprise des training camps avec plusieurs reports chez divers insiders plus ou moins fiables de manque de respect envers son staff, d’absences injustifiées et d’un retour hors de forme.

 

En coulisses, une véritable lassitude collective a émergé au fur et à mesure. Les Cavaliers ont le sentiment d’avoir tout tenté avec leur enfant terrible. Leur GM Koby Altman a établi un contact avec lui dès sa saison NCAA à USC, puis lui a fait confiance en le Draftant à une 30ème place pour laquelle ils ont lâché beaucoup d’assets. Dès lors qu’il a été intégré à l’organisation, les Cavs ont toujours protégé leur joueur, passant l’éponge sur tous ses écarts comportementaux sans exception, sans jamais communiquer publiquement pour lui épargner toute pression médiatique, sans jamais le mettre à l’amende par ailleurs. Plus que ça, une véritable relation de confiance a été établie par la franchise avec un suivi psychologique régulier. Pourtant rien n’y fait, Kevin Porter Jr n’a pas cessé de prouver en à peine plus d’un an qu’il était un électron libre presque ingérable.

 

Alors Vendredi dernier, l’évènement du vestiaire a été le conflit de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour rappel, le transfert de James Harden a permis à Cleveland d’obtenir Jarrett Allen et Taurean Prince en provenance de Brooklyn. En découvrant que son vestiaire avait été remplacé par celui de Prince, et que le sien avait été repoussé plus loin avec ceux des jeunes joueurs, Kevin Porter Jr a alors pété un plomb. Il aurait crié, insulté ses coéquipiers, et jeté de la nourriture à travers le vestiaire. Ce n’est pas tout, son GM Koby Altman et son coach JB Bickerstaff auraient ensuite débarqué alarmés par le vacarme, pour le ramener à la raison. C’était insuffisant, selon plusieurs sources il aurait tenu des propos très insultants envers ses supérieurs et c’est l’ensemble du groupe qui s’est dit choqué par une scène surréaliste.

 

Ce week-end, les Cavaliers auraient alors tout tenté pour transférer Kevin Porter Jr avant que cet énième fait divers paraisse dans la presse, en vain. Maintenant que l’affaire a été révélée par The Athletic, on peut penser qu’un trade est presque impossible. KPJ va sans doute être coupé dans la semaine, et son avenir en NBA s’écrit en pointillés. Son talent est indéniable, bien supérieur à des dizaines de joueurs sous contrat dans cette ligue, mais le basket n’est qu’une partie du boulot. Dans un environnement aussi exigeant que celui de la NBA, le comportement de chaque membre d’un groupe doit être irréprochable. Aujourd’hui, on se demande bien quelle franchise va être assez folle pour intégrer une telle bombe à retardement au sein de son effectif.

 

Mais le sport passe au second plan désormais. Tout ce qu’on souhaite à Kevin Porter Jr, c’est de trouver un équilibre, celui qui lui permettra de devenir un adulte suffisamment responsable pour encaisser la pression quotidienne que représentent les obligations d’un joueur NBA. Néanmoins, le pointer du doigt ou se moquer de lui ne serait que cruauté dans une société déjà assez rude qui ne pardonne pas le moindre écart. Depuis des années maintenant, KPJ a grandi dans un contexte impitoyable qui n’a laissé aucun repis à sa santé mentale. Le basket a été une magnifique porte de sortie, elle n’est plus qu’entre ouverte aujourd’hui. Bientôt coupé par les Cavs, cet évènement va être à double tranchant. Il peut prendre conscience de ses torts depuis quelques mois et se faire aider afin d’aller vers le droit chemin, ou sombrer un peu plus mentalement, en sachant qu’il a déjà montré des signes de fragilité mentale. On souhaite à l’être humain d’aller mieux, pour le reste, on verra plus tard. Prenez soin de vous.