Le focus sur… Courtney Vandersloot, le regard perçant

En 2019, nous allons analyser le jeu de plusieurs joueuses ou équipes WNBA afin de nous plonger au cœur du jeu de la grande ligue féminine. Dans ce premier épisode nous passons au détail la meneuse du Chicago Sky, Courtney Vandersloot.

L’humilité, voilà ce qui ressort le plus de la personnalité de Courtney Vandersloot quand on s’attarde sur quelques-unes de ses interviews. Une femme presque timide, qui ne tire pas la couverture à elle, aux réponses standards, au physique presque banal et qui même sur le terrain n’hausse pas le ton. Bref, Vandersloot a toutes les caractéristiques pour qu’on l’oublie. Et pourtant, elle qui était plus passionnée par le football durant sa jeunesse, a réussi à se faire une place en WNBA. Et elle a fait même bien mieux que ça puisqu’elle en est maintenant à sa 10ème saison, qu’elle est meneuse titulaire d’une séduisante équipe de Chicago et qu’elle est pointe actuellement à la 8ème place des meilleures passeuses all-time de WNBA. Mais comment une joueuse en apparence banale a fait pour devenir l’une des toutes meilleures joueuses à son poste ? Comment Vandersloot fait pour chaque soir tirer le meilleur d’elle-même et de ses coéquipières ? Voilà donc le but de l’analyse du jeu de Slooty.

 

 

Indéniablement, on n’atteint pas le top 10 des passes décisives en carrière sans avoir un sens et une vision du jeu parfaite. Vandersloot excelle dans l’art de distribuer le jeu entre toutes ses coéquipières pour multiplier au maximum les menaces pour l’adversaire. Et ça se retranscrit jusque dans les statistiques. Cette saison Vandersloot en est à 71 passes décisives, et elle en a délivré entre 13 et 17 à chacune des membres du cinq majeur. Une diversité dans les caviars qui se voit aussi sur la shot chart de son équipe puisque sur ses 71 passes, 34 ont mené à des layups et 37 à des jump shot (dont 21 trois points). Cette diversité devient très vite un casse-tête pour les défenses. Slooty n’a pas un système privilégié et peut s’adapter à tout type de situation en un rien de temps. Car Vandersloot analyse et comprend les défenses très vite, trop vite même. Son atout est de retenir instantanément les matchups adverses pour toujours savoir quelle joueuse est libérée en cas de trape. Une vidéo valant mieux que mille mots, en voici une pour vous montrer comment en deux actions Vandersloot trouve toujours la coéquipière démarquée.

 

 

A ce niveau, on pourrait appeler ça de l’art. Sloot appellerait ça sûrement la routine. Une routine qui dure depuis maintenant 10 saisons. Mais cette capacité à toujours trouver la joueuse ouverte ne se limite pas à ressortir le ballon une fois qu’elle a pénétré dans la raquette. Sur jeu placé, Vandersloot fait la différence dès le premier écran qu’elle reçoit. C’est à ce moment-là qu’elle sait si elle doit pénétrer, ou au contraire écarter le jeu ou tout simplement passer le ballon. Et cette décision, c’est en quelques fractions de secondes qu’elle la prend. On ne compte plus les situations qui ont été débloquées par cette génie de la passe. Que ce soit dans des situations galères, comme dans la vidéo ci-dessous, ou lors de système parfaitement exécuté où sa rapidité dans la prise de décision empêche la défense de s’ajuster.

 

 

 

Vandersloot possède une vision de jeu très utile sur jeu placé, mais l’américano-hongroise sait aussi très bien que le jeu en transition, lorsque la défense adverse n’est pas en place, est une force qu’il faut savoir utiliser à chaque instant. Ça peut paraitre normal, mais à chaque tir raté de l’adversaire, elle jette un regard furtif en direction du panier adverse avant de partir en drible. L’objectif est simple : voir où sont ses coéquipières et la défense adverse afin d’appuyer le plus possible là où ça fait mal. Pourtant, cela ne se voit pas de façon significative dans les statistiques de l’équipe. Le Sky n’a qu’une pace de 98 cete saison, ce qui ne les fait pointer qu’à la quatrième place de la ligue dans le domaine, soit rien d’exceptionnel. Mais malgré ça, le Sky arrive cette saison à marquer 10,3 points par match en contre-attaque, ce qui les place troisièmes dans cette catégorie statistique. Tout ça alors que Sloot n’a pas une pointe de vitesse phénoménale, mais en revanche ses coéquipières Allie Quigley et Diamond DeSchields l’ont et ont très bien compris que si elles partaient comme des flèches sur les côtés elles se verraient très souvent bien servies pour scorer en transition.

 

 

Certains vont dire que ça n’a rien d’exceptionnel, mais il s’agit bien là de tirer le meilleur de chaque situation qui se présente et c'est tout ce qu'apprécierait un coach au sujet de sa meneuse. A chaque rebond, le premier regard de Vandersloot va vers le panier adverse. Répété plusieurs dizaines de fois par match, c’est ce qui permet à Slooty de profiter de la moindre erreur d’inattention de la défense adverse. Et c’est ce genre de petits détails qui font la différence entre une meilleure passeuse de la ligue à 8,6 passes décisives par match en 2018 et une Sue Bird, deuxième de ce classement la saison dernière à « seulement » 7,1 caviars par rencontre.

 

 

Vandersloot n’est pas une shooteuse par nature, vous l’aurez compris. Mais ça ne l’empêche pas d’avoir développé, au fil des années, un tir assez efficace pour permettre de profiter des largesses défensives. Depuis son arrivée dans la ligue en 2011, ses pourcentages au tir et à trois points n’ont pas cessé d’augmenter jusqu’à même atteindre une pointe derrière l’arc à 39,8% lors de la saison 2018 (11ème dans ce domaine cette année-là). Une adresse qui lui a permis de libérer encore un peu plus d’espace pour ses coéquipières, notamment à Allie Quigley qui est devenue la référence à trois points en WNBA. Le tir pour Vandersloot ressemble à toutes les autres facettes de son jeu : efficace et jamais dans l’excès. Son tir n’est pourtant pas des plus académiques : sa gestuelle part d'assez bas et un peu sur la droite avec le ballon qui vient se coller à côté de son visage, l’impulsion des jambes est bonne mais le poignet fouette en partant lui aussi vers la droite. Bref, le geste est perfectible mais l’efficacité est là et c’est tout ce qu’on lui demande. D’autant plus que dans le périmètre aussi, Vandersloot peut parfois shooter en sortie d’écran avec un pull up aux alentours des 5m très bon grâce à l’apparente grande attention qu’elle porte au gainage dans ce genre de situation. Elle en est même cette saison à plus de 46% au shoot entre 4,5 et 6 mètres. Une statistique supérieure à ce qu'elle a pu faire les années précédentes, mais qui montre son envie de s'écarter du panier avec l'âge. Encore une sage décision on peut dire, mais là encore elle n’en abuse pas, et c’est mieux ainsi pour rester dangereuse à tous les endroits du terrain.

 

 

 

Pour finir, même si ce n’est pas sur le point sur lequel on l’atteint, nous allons nous pencher sur les capacités défensives de la meneuse de 30 ans. Là encore, on a affaire à un domaine dans lequel Slooty n’excelle pas, mais là encore elle sait réfléchir et comprendre plus vite que la moyenne, ce qui lui permet de compenser son manque d’aptitudes physiques face aux meilleures meneuses de la ligue.

 

 

La vidéo ci-dessus résume assez bien ce que peut donner Vandersloot en défense. C’est grâce à ce sens de l’opportunisme notamment qu’elle finit chaque année depuis plusieurs saisons à la première ou deuxième place des meilleures interceptrices de son équipe. L’année dernière, elle avait même craqué le top 10 des joueuses de la ligue avec 1,3 interception par match. Performance assez remarquable pour une joueuse dont le manque de taille et de vitesse latérale devrait être préjudiciable à un tel niveau de compétition.