Kings-Mavericks 2003 : la frénésie offensive
Alors que Lakers et Spurs se battent pour être le futur champion, leurs outsiders Dallas et Sacramento jouent à qui scorera le plus de points. Le troisième match de ces demi-finales 2003 est une vraie gourmandise.
Il ne suffit pas d'avoir une bonne équipe pour être champion, il faut aussi un bon timing. Les Kings et Mavericks ont du souvent le répéter au début des années 2000. Deux formations au casting plus qu'appétissant qui auraient donné une leçon à n'importe quel candidat venu de l'Est, mais qui pendant sept ans ont du laisser le festin à Shaq, Kobe, Duncan et Parker (pour sept Finales et six titres).
En 2003, les Kings sortent juste d'une défaite amère aux portes du Graal : un échec en prolongation, à la maison, contre L.A au septième match du sommet de la Conférence. Mais l'effectif n'a pas bougé et Sacramento repart de l'avant pour se venger. Ils terminent la saison régulière en deuxième place, juste derrière San Antonio, et s'emparent facilement de la Pacific Division, devant des Lakers, diminués et groguis de leur three-peat, qui n'arrivent pas à suivre le rythme.
Sac-Town est un arsenal offensif sans équivalent, avec quatre joueurs à plus de 15 points de moyenne : Chris Webber en ailier fort patron, Peja Stojakovic en tireur extérieur fou, Mike Bibby en meneur roi de la mi-distance, et Bobby Jackson dont le rendement en sortie du banc est récompensé par un titre de meilleur sixième homme de la ligue. Doug Christie et Vlade Divac commencent à vieillir mais cette équipe reste un chef d’œuvre dans la répartition des rôles.
À Dallas, la triplette magique est de plus en plus forte. Nowitzki, Nash et Finley tournent respectivement à 25.1, 17.7 et 19.3 points et font de la formation coachée par Don Nelson la première attaque du championnat (103 unités par rencontre, à une époque où seules quatre équipes dépassent la barre des 100). Les Mavs tiennent le meilleur bilan de la saison, mais perdent trois de leurs six derniers matchs, et voient la couronne de la Conférence terminer sur la tête des Spurs. Malgré le même résultat final (60-22), ils doivent se contenter de la troisième place.
Si tout se déroule normalement, ces deux machines à scoring se retrouveront au deuxième tour, comme l'année dernière quand les Californiens avaient écartés les Texans en cinq matchs.
Mais le premier tour se déroule très différemment pour les deux franchises. Si Sacramento gère les Jazz sans souci (4-1), Dallas joue à l'ascenseur émotionnel avec Portland, menant 3-0, pour ensuite se faire rattraper à trois victoires partout. Le succès au Game 7 est un énorme soulagement, et les Mavs peuvent préparer leur vengeance.
- High score
Dallas a un meilleur bilan que Sacramento et accueille les deux premiers affrontements qui font s'avérer être des orgies offensives : quand la défense reste au vestiaire, attendez-vous à voir grimper les chiffres. Les Kings volent le premier match 124 à 113, mais les Mavs rétorquent au deuxième en passant un 132 à 110 à leur adversaire. La défaite est lourde pour l'équipe de Rick Adelman, mais surtout, Chris Webber s'est encore blessé au genou, et passera le reste de la saison en costume.
La série se déplace en Californie, où Scot Pollard et Keon Clark vont devoir compenser l'absence du All-star. Du côté des Mavericks, Nick Van Exel le sixième homme est dans une forme incroyable avec 20 puis 36 points lors des rencontres précédentes. Dallas est à l'extérieur mais clairement favori.
Ce troisième match commence pourtant dans le sens des Kings. Après un début laborieux pour les deux attaques les plus prolifiques des play-offs (11-8 pour les hôtes après six minutes de jeu), les violet et blanc passent la seconde grâce à un peu tout le monde (Turkoglu, Stojakovic, Jackson, Clark) pour mener 36 à 23 à la fin du premier quart-temps. Les deux formations s'échangent alors tirs extérieurs et à mi-distance, on se dit que les joueurs sont maintenant bien rodés.
L'équipe locale garde une certaine avance, mais veut jouer près du panier, là ou les visiteurs arrosent à trois points : Finley puis surtout Van Exel relancent le combat, le meneur inscrit huit points en une minute et la sirène de la mi-temps sonne sur un 64-62.
La suite reprend le même schéma : à chaque fois que Sacramento semble prendre ses distances (voir les trois bombes extérieures rentrées par Stojakovic dans le troisième quart), les Mavericks ont les ressources pour revenir. - 9 après 36 minutes, - 12 à huit minutes du terme, mais c'est maintenant Steve Nash qui enchaîne huit points de suite. Il reste désormais quatre minutes, et le grand Peja connaît la panne. Il manque trois tentatives consécutives alors Nash puis Nowitzki font leur beurre aux lancers-francs. Le meneur canadien lâche ensuite le trois-points de l'égalisation, 109 partout.
Van Exel donne ensuite l'avantage aux Mavs, qui n'ont été en tête jusque là que deux minutes et demi pendant cette partie.
Dallas est en train de voler le match. Non, répond Bibby à trois points à une minute du buzzer. Van Exel veut rétorquer mais manque, Stojakovic idem sur la possession suivante. Il reste une chance aux invités, pas de temps-mort mais une quinzaine de secondes pour se décider. Nash pénètre et passe la balle à Raja Bell qui feinte le tir et remet à « Nick the Quick ». Il contourne Christie et Jackson et dégaîne un floater, qui atteint laborieusement le cercle, puis rentre. 113 pour tout le monde et une prolongation offerte.
- Tout le monde participe
Il est possible que vous ayiez oublié Walt Williams. Drafté en 1992 par Sacramento, cet ailier s'est fait une réputation de bon shooteur mais souvent dans des équipes médiocres. Pour sa dernière saison dans la ligue, il se retrouve sur le banc... des Mavericks. Pour son retour à sa première maison, il n'a pas réellement d'impact. Jusqu'au moment où Raef Lafrentz prend sa sixième faute en début d'overtime.
Alors que Divac, Finley puis Nash et Christie se répondent coup pour coup, Walt doit rentrer dans la danse. À 120 partout et deux minutes à jouer, il tente un tir primé et le rentre. Dirk est presque muet depuis le troisième quart-temps mais Dallas s'est trouvé une nouvelle option, un vétéran que les Kings n'ont sans doute pas trop pris le temps d'étudier.
Oui mais ce match est avant tout une joute d'attaquant. Peu importe d'encaisser tant qu'on marque plus. Doug Christie snipe une nouvelle fois, puis Stojakovic rentre machinalement ses lancers-francs. Divac a même la possibilité de creuser l'écart mais rate ses deux tirs bonus. Les Mavericks ont deux points de retard et la balle dans les mains de Steve Nash. Le meneur trouve un coéquipier caché sous l'arceau : Walt Williams, qui dunke et égalise.
Stojakovic a seize secondes pour choisir son tir, un lancer en reculant à six mètres mais trop court. Nous en sommes déjà à 125 unités chacun et la bataille n'est pas finie.
- Toujours la même adresse !
Cette deuxième prolongation est presque étouffante tant elle est serrée : en l'espace de trois minutes, l'équipe en tête change sept fois. Là où on s'attendrait à voir des corps fatigués qui peinent à marquer, tous les shoots traversent le filet (8 tirs sur 10 !). Évidemment tous les joueurs majeurs ont accumulé les fautes : Nowitzki et Nash sont à cinq, Stojakovic pareil, et Mike Bibby vient d'être exclu.
C'est là que les deux héros de la soirée vont conclure en beauté leur récital. Sur une énième contre-attaque, Nash feinte la défense des Kings en pénétration et ressort la balle vers Van Exel qui lâche le poison. 135-133. Après un échec de Bobby Jackson, Dallas temporise via Nash, qui attire ses deux défenseurs et remet à Walt Williams qui largue un trois points. + 5 pour les Mavs et moins d'une minute à tenir. Sacramento s'accroche et revient à un point grâce aux deux Jackson (Bobby et Jim) après une vilaine passe de Nash. Nick Van Exel se retouve aux lancers-francs, et refuse de voir tout ce travail partir en fumée.
Il reste huit secondes et après un tel match, les temps-morts ont disparu. Bobby Jackson traverse le parquet pour un dernier tir, puissant, qui manque le cadre et finit dans les mains de Raja Bell.
Dallas l'emporte, normal sans être logique. Sacramento, qui avait pourtant su pallier l'absence de Chris Webber, a sans doute perdu la rencontre aux lancers-francs, avec un 24 sur 36 qui a clairement empêché de tuer le match, notamment à la fin du premier overtime.
Score final : 141-137. Avec 278 points inscrits, c'est le deuxième plus gros total pour un match de play-offs. Seul Portland contre Phoenix en 1992 (153-151) a atteint une tel rendement. La feuille de stats est ahurissante : Stojakovic à 39 points, six autres Kings à plus de dix points, Nowitzki qui avait presque disparu a enregistré 25 points et 20 rebonds, Nash à 31 points et 11 passes ! Et surtout, Nick Van Exel réussit la meilleure perf d'un joueur non titulaire en play-offs, 40 points en sortie de banc, 6/12 à trois points, mais aussi sept rebonds et sept passes.
Après un tel affrontement, les deux effectifs auraient sans doute bien pris une pause. La preuve : Sacramento remportera la quatrième rencontre 99 à 83, où personne n'atteindra 20 points. On ne se remet pas comme ça d'une frénésie pareille.