La division de la mort

Cleveland et Chicago redeviennent favoris de la Conférence, Indiana est toujours là, et Detroit et Milwaukee rêvent d'un nouveau départ. Bienvenue dans la Central Division, là où la NBA va concentrer toute son attention.

Un homme rentre chez lui et voit que tout le voisinage a changé. La terre agréable et plutôt calme qu'il a connu il y a quatre ans est devenue très prisée. Du jour au lendemain.

LeBron James a quitté l'Ohio à une période où Cleveland mettait quinze victoires dans la vue à son voisin Milwaukee, et vingt à Chicago, respectivement sixième et huitième de la Conférence. La Central Division était un one-team show que « The Chosen One » a laissé pour des pâturages floridiens. De retour à la maison il subit de plein fouet la concurrence qui s'est amassée en quelques semaines.

Car au terme de la dernière saison régulière, la division avait le deuxième pire bilan de la ligue (36.2 victoires de moyenne par équipe) malgré la première place des Pacers (56 victoires). Indiana avait pour seul concurrent une équipe des Bulls qui puisait fortement dans ses réserves pour une quatrième position inespérée. Derrière, les Cavs décevaient, les Pistons étaient désorganisés et les Bucks faisaient leur possible pour rester dernier du championnat.

 

Mais Detroit a inauguré un renouveau en faisant venir Stan Van Gundy pour faire fructifier le duo Drummond/Monroe. Puis la draft a apporté Andrew Wiggins aux Cavaliers et Jabari Parker aux Bucks. Ces derniers se sont en plus offerts les services de Jason Kidd. Il ne restait plus que l'apothéose : le retour au pays du King James, suivi par la signature aux Bulls de Pau Gasol. Le dernier vainqueur de la division, Indiana, est resté le plus discret, essayant surtout de conserver Lance Stephenson, en vain.

Le plus talentueux

Les Cavs partaient déjà conquérant à l'idée d'un duo Wiggins/Irving, ils ont maintenant la meilleure carte du paquet. Ils devraient en théorie pouvoir faire ce qu'ils veulent mais tout le monde va devoir apprendre un nouveau rôle. LeBron va jouer avec des jeunes, Kyrie Irving va moins avoir le ballon, Waiters encore moins, Wiggins va devoir batailler pour un bon temps de jeu... le tout sous la direction d'un nouveau venu en NBA, David Blatt, en provenance de l'université de Princeton. Cleveland va faire des étincelles, mais pas dès le départ.

 

Le plus revanchard

Chicago a les boules depuis deux ans et s'impatiente du retour de Derrick Rose. Pendant ce temps-là, Joakim Noah a tenu l'équipe comme un taureau, avec la double casquette meilleur défenseur de la ligue - meilleur pivot passeur. Mais ça n'a pas suffi et Rose doit maintenant rattraper un long retard, et enfin atteindre les Finales. Pour cela, les Bulls se sont offerts un double champion qui a lui aussi eu ses deux dernières saisons gâchées. Pau Gasol s'offre la possibilité de faire taire ceux qui n'ont cessé de le juger faible, et de montrer que son arsenal offensif a toujours de la valeur.

 

Le plus expérimenté

Et d'un coup, les Pacers sont devenus les vétérans de la Conférence. L'outsider qui ne voulait pas être favori affiche, avec ou sans Lance Stephenson, le système le plus rodé avec un quatuor George-West-Hibbert-Hill (215 matchs ensemble en l'espace de trois ans) et toujours Frank Vogel à la baguette. Peuvent-ils s'améliorer en 2014-15, et cette fois tenir leur statut jusqu'au bout ? Si la recette est la même, leur réussite est très crédible, d'autant plus s'ils peuvent rester dans l'ombre médiatique de Cleveland et Chicago.

 

Le plus énigmatique

Detroit ne peut rêver viser le trône, mais se verrait bien jouer après avril. On ne cesse de louer le potentiel d'Andre Drummond à l'intérieur et Van Gundy est venu pour recréer un effet Dwight Howard à Orlando. En attendant de savoir ce que va devenir Greg Monroe, les Pistons se sont adjugés l'ex-Bull D.J Augustin, l'ancien Laker Jodie Meeks et le vétéran Caron Butler, et comptent sur l'évolution de Kentavious Caldwell-Pope pour se construire un backcourt complet, en complément de Brandon Jennings et Rodney Stuckey. Si ce groupe arrive par miracle à s'équilibrer, un spot en play-offs n'est pas impossible.

Malgré le potentiel de ces équipes, les voir toutes accéder aux play-offs est difficile à imaginer. D'abord parce que Milwaukee reste une formation assez faible qui doit d'abord apprendre à fonctionner avec sa nouvelle star et son nouvel entraîneur. Équation similaire pour Detroit d'ailleurs, qui a des pièces intéressantes mais ne sait trop quoi faire de son effectif.

Ensuite parce qu'on a du mal à croire que seules trois équipes vont tirer leur épingle du jeu parmi les dix autres formations à l'Est. Miami, Toronto, Washington, Charlotte voire New York auront forcément leur mot à dire.

Et puis surtout les cinq franchises risquent de s'entre-tuer au cours des 40 affrontements qui auront lieu en l'espace de six mois. Seize victoires sont en jeu pour chaque formation, et elles ne seront faciles à atteindre.

Toutes ces équipes sont concentrées sur une zone géographique restreinte autour des Grands Lacs, dans des États voisins, avec chacune une histoire garnie en NBA, et l'habitude de se rencontrer sur les parquets professionnels depuis plus de trente ans. Alors évidemment si LeBron James revient dans les parages, il va se rappeler au bon souvenir de ses adversaires chicagolais. Notamment un certain Joakim Noah qui disait en 2010 détester Cleveland, la franchise comme la ville. De la même manière qu'Indiana et Detroit ont pu être très rivaux au milieu des années 2000 (on ne va pas remuer le couteau dans la plaie laissée à Auburn Hills), on peut s'attendre à une tension entre Bulls et Cavs s'ils jouent les favoris.

Quant aux Pacers, ils pourraient bien réorienter leur animosité envers Miami sur la nouvelle équipe de James, située à quelques 500 km d'Indianapolis, une broutille.

Et puis tous les prétextes sont bons pour s'insulter : Cleveland et Indiana n'ont jamais rien gagné, les Bulls se prennent pour des favoris mais n'arrivent même pas à garder Derrick Rose en forme, Detroit ne ressemble plus à rien... la fierté au-delà des résultats.

 

Car la Central fait de bons favoris mais rarement des champions : depuis dix ans, le n°1 à l'Est est sorti sept fois de cette division (deux fois Cleveland (2009, 2010), Detroit (2006, 2007), Chicago (2011, 2012) et une fois Indiana (2014)), et jamais il n'est allé jusqu'aux Finales. Il n'y a eu que deux finalistes, des n°2 rentrés bredouilles, Detroit en 2005 et Cleveland en 2007.

Alors attendez-vous à une bataille serrée lors de la saison régulière, mais ne vous avancez pas trop pour les play-offs. Il y aura du sang et de l'enjeu mais pas forcément de titres au bout. Du moins cette année...