Allen Iverson, parcours d'un joueur au gout d'inachevé

Nous vous avons demandé il y a quelques temps, sur la page facebook d’ISB, de nous dire quels parcours de joueurs à la retraite vous aimeriez lire. Nous vous proposons comme premier de cette saga : Allen Iverson.

Connu sous les surnoms AI ou The Answer, Iverson a commencé en NBA en 1996 et sa carrière s’est terminée en 2011 en Turquie, dans le club de Besiktas. Revenons sur les grands moments de sa carrière. Mais avant, faisons un point sur le personnage.

 

 

On ne peut pas commencer une présentation sur Allen Iverson sans revenir sur son style. Sur et en dehors du terrain, Iverson a toujours fait parler. Il faut dire qu’il a un style particulier à l’époque, qui dérange. Il est fortement marqué par la culture Hip-hop. Pour les matchs NBA, il demande à faire agrandir la longueur de ses shorts, qu’il considère trop courts à cette époque. Il porte aussi un bandeau, une protection au bras (qui fait plus office de décoration que de réelle protection). Il change de nombreuses fois de coiffure (non Andrew Bynum n’a rien inventé) avec une domination des tresses plaquées. Au fil des années, il augmente le nombre de tatouages présents sur son corps : on ne peut pas vous dire le nombre exact mais faîtes un petit tour sur Internet, vous verrez de nombreux sites qui se sont penchés sur ses tatouages. En plus des tatouages, il adopte un style vestimentaire qui fera grincer des dents plus d’une fois David Stern (depuis il demandera un dress-code d’avant match) : baggy, baskets, vestes larges, casquettes et bijoux voyants. AI ne se déplace jamais seul : sa famille, ses proches, et même son coiffeur personnel l’accompagnent dans tous ses déplacements. Il devient une icône du basket et de la culture Hip-hop. Image renforcée par Reebok, la marque (son sponsor à vie) lui offre de nombreux modèles de basket personnalisés et lui trouve son célèbre surnom : The Answer (il serait la réponse lorsque Michael Jordan se retirerait définitivement des parquets NBA). Enfin, parallèlement, il tente une carrière de rappeur sous le nom de Jewelz, mais celle-ci restera très modeste.

 


Après de petits problèmes de justice qui auraient pu lui couter une carrière NBA (il a été condamné puis relaxé pour une bagarre sous fond de problèmes raciaux), Allen Iverson rejoint l’équipe de basket des Hoyas de Georgetown (Washington D.C). C’est en 1994 donc qu’il débute, et il enchaine les performances : 31 points pour son second match contre l’université de DePaul, 30 contre Providence, 27 contre Connecticut…Des statistiques qui lui permettent de cumuler les récompenses : Big East Player de la semaine 9 fois de suite, rookie de l’année universitaire, une place dans la deuxième équipe-type de l’année de la conférence. Il finit cette première année avec plus de 20 points de moyenne par match. Il emmène les Hoyas en demi-finale régionale (défaite contre North Carolina).


Plus que des statistiques, on découvre un style : une rapidité, un cross-over dévastateur. Il attaque sa seconde année avec autant de réussite et améliore considérablement ses pourcentages au tir (48% contre 39% l’année passée). Il met 40 points à Arizona et score même 21 points contre Rutgers…en 20 minutes. Les performances s’enchaînent, Iverson fait sensation. Il domine les statistiques et bat tous les records de son université. Il emmène ses Hoyas jusque l’Elite 8 où ils échouent contre Massachussetts. Individuellement, son année est une réussite. Il aura certes quelques trous d’air dans des matchs (un match à 6/21 aux tirs) mais son talent est indéniable et il reçoit encore de nombreuses récompenses.


Les nombreux fans espèrent qu’il fera une troisième année à Georgetown. Mais l’enfance difficile d’AI et surtout l’annonce de la maladie d’une de ses sœurs l’incitent à se jeter dans le grand bain de la NBA. En plus de vouloir jouer au plus haut niveau, il veut aussi prendre soin de sa famille et de ses proches (nous verrons plus tard la difficile gestion de l’argent d’AI). Le 26 juin 1996 se déroule la draft NBA. Avec Allen Iverson, on retrouve d’autres grands joueurs : Ray Allen (5ème, Wolves vers Bucks), Kobe Bryant (13ème, Hornets vers Lakers), Steve Nash (15ème, Suns). Iverson est choisi en 1ère position par les Philadelphie Sixers.

 

 

Sa carrière commence par la signature d’un contrat à 3,9 millions de dollars avec les Sixers mais surtout un contrat de 10 ans et 50 millions de dollars avec Reebok, son sponsor officiel. Sa première année NBA est une réussite individuelle et il est logiquement nommé rookie de l’année 1996 avec 23,5 points, 7,5 passes décisives et 2,1 interceptions par match. Collectivement c’est plus difficile et Philly finit avec 22 victoires pour 60 défaites. L’année suivante (1997-1998), Iverson poursuit sur sa lancée (22 points et 6,2 passes) et Philly progresse (31 victoires, 51 défaites). La saison 1998-1999 (celle du lock-out) marque un tournant puisqu’Iverson emmène Philly en playoffs (plus de 26 points de moyenne et 4 passes décisives). Malgré la défaite au second tour contre les Pacers, Iverson score plus de 28 points par match durant les playoffs. La saison 1999-2000 est bonne pour AI puisqu’il signe un contrat de 6 ans et 70 millions de dollars. Ses statistiques sont toujours incroyables (plus de 26 points et 4,8 passes) mais les Sixers se font à nouveau sortir au second tour par les Pacers. Il est aussi appelé pour la première fois au All Star Game (11 au total). Mais des premières tensions apparaissent avant la saison 2000-2001 entre Iverson et son coach Larry Brown. Les deux hommes ne s’entendent plus et des rumeurs de transfert (vers Detroit notamment) se font de plus en plus fortes. Heureusement, les deux hommes décideront de continuer l’aventure (Iverson présentera d’ailleurs des années plus tard ses excuses au coach, pour qui il a toujours eu beaucoup de sympathie).


AI ne part pas et c’est tant mieux pour lui et Philly. D’abord, en plus d’être à nouveau sélectionné pour le All Star Game, il est nommé MVP de l’année et remporte le titre de meilleur marqueur de l’année (plus de 31 points !). Philly fait une superbe saison (56 victoires et 26 défaites) et arrive en finale NBA (après avoir éliminé les Pacers, les Raptors et les Bucks). La finale ne s’annonce pas favorable pour AI et sa bande puisqu’en face se dresse l’ogre Lakers de Kobe Bryant et Shaquille O’Neal.

 

A la surprise générale, Philly remporte le premier match et Iverson score 48 points. Malgré des statistiques impressionnantes durant les autres matchs, Iverson et les siens ne gagneront plus un seul match et les Lakers remporteront le championnat. Cette saison est un tournant dans la carrière d’Iverson car les suivantes vont être beaucoup moins belles. Certes, il enchaine toujours les bonnes performances, il est toujours très apprécié des fans (qui le sollicitent pour les All Star Game) mais il n’arrive plus à emmener Philly très haut durant les playoffs ; son coach lui reproche son manque d’investissement aux entrainements (quand il vient !) et l’individualisme d’AI fait largement débat. La fin est inéluctable : Larry Brown quitte ses fonctions de coach à la fin de la saison 2003.

 

La saison 2003-2004 est compliqué pour AI et il faut attendre la saison d’après pour une petite renaissance. Accompagné de Chris Webber et Andre Iguodala fraichement drafté, Iverson est en forme (plus de 31 points et 8 passes décisives) mais ils sont stoppés au premier tour des playoffs par les futurs champions (les Pistons d’un certain…Larry Brown). La saison 2005-2006 n’est pas bonne, Philly ne fera pas les playoffs et le comportement d’Iverson fait de plus en plus tiquer : individualiste, capricieux et difficile à gérer. L’année 2006-2007 marque la fin de la collaboration entre Iverson et Philly. AI est envoyé à Denver. Le début de la fin pour lui…

 

 

Allen Iverson va jouer une saison et demi en compagnie de Carmelo Anthony à Denver. Si la mayonnaise avait réellement pris, le duo aurait pu être incroyable. Mais dès le début, on sent que ce n’est pas le cas. Les deux joueurs aiment porter la balle, les deux joueurs sont individualistes. Alors oui, AI fait encore quelques belles performances mais on sent bien qu’il est sur la pente descendante. Les Nuggets choisissent en novembre 2008 de le transférer à Detroit. Signe du destin, il ne peut porter son numéro fétiche, le 3, appartenant à Rodney Stuckey (la NBA n’autorise plus le changement de numéro). Sa saison va être décevante, il perd du temps de jeu et à la fin ne joue quasiment plus. 2009, tous espèrent qu’Iverson va retrouver une équipe et qu’il va rebondir. Memphis tente le pari. C’est un échec car deux mois plus tard Iverson quitte l’équipe. On se dit à ce moment-là que c’était à prévoir et que les Grizzlies ont plus flairé le bon coup marketing (vente des maillots) que l’intérêt sportif.

 

A ce moment-là, on se dit qu’il y a deux choix pour The Answer, la retraite (et tout le monde se dit mais quel gâchis) ou un retour à Philly. Et le miracle se produit puisque Philly accepte de le reprendre (pour le minimum vétéran). Son retour dans sa salle est émouvant et beaucoup ont envie d’y croire. En vain…En février, c’est officiel, Iverson ne jouera plus avec les Sixers. Depuis, il cherchera à retourner en NBA expliquant qu’il est prêt à faire ce qu’il a toujours refusé : sortir du banc. Mais ses défauts (individualisme), son âge, l’état de son corps et de son mental, et ses déboires extra-sportifs n’attirent pas. Même si les fans espèrent un retour, personne ne veut prendre le risque. On le retrouve en 2010, à Istanbul, au club de Besiktas où il joue quelques mois avant de rentrer aux USA pour blessure. On le reverra ensuite dans des matchs d’exhibition en Chine (où de nombreux observateurs expliqueront qu’AI est définitivement à la fin de sa carrière).

 

 

Allen Iverson n’est plus le joueur que l’on a connu et ce depuis plusieurs années. Si bien sûr, il est toujours difficile de voir un grand joueur quitter la NBA, c’est d’autant plus dur à accepter lorsque cela se passe dans de mauvaises conditions. On a tous été tristes de la retraite de Michael Jordan, de Shaquille O’Neal et bien d’autres, mais on l’a toujours accepté car chacun avait fait son temps et que la fin est logique. Mais pour Iverson, il restera toujours ce goût d’inachevé. Il a quitté la NBA par la toute petite porte. Plus encore, il n’a pas su rebondir et se trouve aujourd’hui dans une situation difficile. On le savait adepte des jeux d’argent, on savait qu’il dépensait sans compter, qu’il donnait beaucoup à ses proches (de vrais amis ou non d’ailleurs), qu’il pouvait avoir quelques problèmes d’alcool. Mais, il était un joueur incroyable, et on laissait cela de côté. Aujourd’hui, il est rattrapé par tous ses excès. On apprend qu’il n’était pas toujours là à la naissance de ses enfants, qu’il était souvent fortement alcoolisé. A cette époque, il avait son ange gardien : sa femme (ils se sont rencontrés au lycée). Mais lassée de ses dépenses (parfois plus de 20 000 dollars par jour), elle demande le divorce en 2011. Iverson n’a plus d’argent, il n’arrive pas à remonter la pente. Il a toujours pensé aux autres et il est maintenant seul. Il a même risqué la prison parce qu’il ne donnait pas l’argent à son ex-femme pour élever leurs enfants (et il était même accusé de les avoir enlevés). La carrière NBA est assurément fini, quelle triste fin !

 

Que va-t-il faire ? Son agent l’aide à sortir de l’alcool et cherche à lui donner un nouveau challenge. Il a notamment demandé aux Sixers, une place comme commentateur ; pas de réponse à ce jour. On ne sait pas si les choses auraient pu être différentes. Avec des si, on pourrait refaire le Monde. Personne ne souhaite une fin comme cela. Iverson restera dans les esprits comme un joueur incroyable qui s’est parfois trop brûlé les ailes. Au point que la chute est aujourd’hui très longue.