Joe Dumars est un génie... ou fait tout pour le faire croire.
A l'heure où la majeure partie des équipes peinaient à trouver des accords pour faire des transferts et signer des joueurs utiles, lui n'arrêtait pas.
Dallas, par exemple, n'a pu faire mieux qu'un incohérent quatuor (Calderon, Dalembert, Ellis & Ellington) habitué à partir en vacances en avril.
Pourtant, la franchise texane possède un cadre de vie agréable avec, en prime, un proprio qui se prend pour Hugh Hefner version NBA (trop d'argent à dépenser, refuse de vieillir et toujours dispo pour étreindre les jeunes mousses de son navire).
Dumars a t'il retrouvé son mojo de la période 2002-2006 ou finira t'il comme Jérôme Kerviel, le trader pestiféré?
En tous cas la méthode n'a pas changé:
- Dans un premier temps, on recrute un duo "inside-out" décrié mais talentueux (Chauncey Billups / Rasheed Wallace il y a 10 ans et Brandon Jennings / Josh Smith aujourd'hui)
- Ensuite, on scout la draft et on se renforce avec un extérieur longiligne capable de shooter à 3pts et de défendre (Tayshaun Prince en 2002, Kendavious Caldwell-Pope dit KCP en 2013)
- Ces deux premières étapes sont destinées à entourer le visage de la franchise et ainsi permettre l'éclosion de ce monstre physique capable de dominer et d'intimider tout en étant risible aux lançers-francs (Ben Wallace jadis, Andre Drummond de nos jours)
- Enfin, pour parfaire la machine et rajouter un peu de sobriété à ce projet, on comptera sur un scoreur raffiné qui sera l'option offensive la plus fiable quand il faudra marquer (Rip Hamilton, remplacé par Greg Monroe)
La ressemblance est frappante... Hasardeuse? Surement pas.
La rotation finale de l'an prochain devrait, selon toute logique, être la suivante :
Brandon Jennings / Kendavious Caldwell-Pope / Josh Smith / Greg Monroe / Andre Drummond
Sur le banc, on retrouvera un Billups en fin de parcours, qui apprendra à Jennings les subtilités du poste un. Stuckey apportera ses drives et son punch tandis que les blondes Singler/Jerebko joueront avec leurs mèches et ramasseront les miettes en bons role player qu'elles sont.
Pour canaliser et encadrer cet effectif Dumars a rappelé Billups et Rasheed Wallace, deux champions locaux qui se sont transformés à Motown City et y ont franchi le cap de bons joueurs à grands joueurs.
Deux grosses interrogations subsistent néanmoins:
Tout d'abord, le coach. Maurice Cheeks était un grand joueur: 4 fois All-Star, 4 fois dans la All-Defensive Team & champion avec les 76ers. Hélas, en tant que dirigeant, le bilan est moins bon. Il n'a jamais franchi un tour de playoffs... Pire, il était un des coachs de la période bénie des "Jailblazers" et n'avait aucune autorité sur sa bande de gentils débiles, les Stoudamire, Woods, Randolph, Miles, Patterson, ironiquement Sheed et le philantrope Bonzi Wells qui avait déclaré, clairvoyant:
"Les fans n'ont pas d'importance pour nous. Ils peuvent nous huer tous les jours, ils viendront toujours nous demander un autographe s'ils nous voient dans la rue"
Après une période Vol au-dessus d'un nid de coucou où il a fini par se crasher (à Portland), il n'a pas tenu le choc du Fast & Furious Allen Iverson, dont il avait perdu le respect (à Philadelphie).
Ce choix de Dumars peut donc laisser perplexe mais Cheeks pourra compter sur des cadres solides.
Ensuite, et voilà le plus inquiétant, l'équipe ne semble pas équilibrée...
Jennings est un meneur scoreur qui ne peut marquer à volonté comme savent le faire les Irving, Westbrook, Curry, Parker ou Rose. La faute à une mauvaise finition de drive et un jeu trop dépendant d'une adresse extérieure trop souvent absente (39.4% de FG en carrière).
KCP est un rookie intéressant, super rebondeur et intercepteur mais shootait à 40% puis 43% lors de ses deux années universitaires. Avec un Stuckey également maladroit et un Billups préhistorique, la rotation d'arrières risque de peiner à faire sortir les défenses adverses, un simple détail qui pourrait pourtant conditionner la réussite ou l'échec de la saison car les joueurs du frontcourt auront besoin d'espace pour opérer.
La raquette Josh Smith, Greg Monroe & Andre Drummond peut paraitre impressionnante aux premiers abords, mais quand on analyse leur profil, on peut rapidement avoir des craintes :
Les Pistons possèdent un trio qui semble peu complémentaire du fait de la présence de Smith en ailier. Polyvalent mais maladroit, il sera moins présent dans la raquette qu'à l'accoutumée et on peut craindre qu'il prenne de plus en plus de longs shoot à 2 pts, sa seconde plus grande faiblesse après celle, esthétique, de jouer avec un bandeau... Trop petit pour un 4 malgré des qualités physiques hors norme, il a pris du poids au fil des ans pour tenir le choc et n'est plus capable de suivre les 3 les plus performants sur un match entier.
Monroe est très bon offensivement, que ce soit dans le scoring ou à la passe mais, en plus d'être faible en défense, il marque essentiellement en poste bas, également seule possibilité de scoring de Drummond. Cela fait trois joueurs pour scorer dans la raquette et aucun pour s'écarter de manière fiable.
On ajoute l'adresse famélique de Smith, Monroe & Drummond aux lancers (52, 69 et 37%) et on comprend pourquoi cette équipe pourrait rapidement devenir une équipe de Bad Boys, "Bad" prenant ici le sens de mauvais...
Mais tout n'est pas noir et on pourrait avoir la bonne surprise de voir les joueurs laisser leur égo de côté et jouer les uns pour les autres comme l'avaient fait leurs ainés de 2004-05 (ou plus récemment les Boston Celtics du Big Three). Quoiqu'il arrive, le triste bilan de la saison 2012-13 de 29 victoires pour 53 défaites devrait être aisément dépassé et Joe Dumars a déjà gagné son pari car tout le monde est impatient de voir comment jouera Detroit cette saison, avec cet assemblage vraiment surprenant et osé.
Le risque reste également bien calculé car si la mayonnaise ne prend pas Dumars pourra changer de recette, les Pistons ayant assez d'argent sous le salary-cap 2014 pour signer un des gros poissons en liberté, pour enfin régaler les fans de Detroit. Drafter Darko Milicic au lieu du scoreur boulimique Carmelo Anthony restera à jamais indigeste pour les fans des Pistons, mais entrer en lice pour le récupérer l'an prochain aurait une saveur particulière.