Avec la surexploitation du shoot à 3 points, un nouveau profil d'intérieur a fait sur apparition depuis quelques années : les Stretch Four, comprenez des ailiers forts qui passent beaucoup de temps derrière l'arc, au lieu de marronner dans la raquette pour des paniers près du cercle. Symbole de ce jeu moderne, Kevin Love, représenté par David, affronte l'un des précurseurs du genre, le Celtic Antoine Walker, défendu par Sylvain.
- Round 1 : Apport offensif
Sylvain : Huit ans après sa retraite des parquets, Antoine Walker laisse derrière lui un sentiment de gâchis. Un joueur fantasque capable du pire comme du meilleur. Toute sa carrière, l'intérieur oscille entre des performances historiques et des déroutes où il frise le ridicule. La faute a une hygiène de vie plus que douteuse et un goût immodéré pour la vie nocturne. Pourtant, son histoire commence sur les chapeaux de roue. Star universitaire avec la prestigieuse fac de Kentucky, Walker est la pépite d'une cuvée exceptionnelle surnommée "The Untouchables". En 1996, sous les ordres de Rick Pitino, il décroche le titre NCAA et déboule dans la foulée chez les Celtics.
Orphelin de Larry Bird depuis cinq saisons, la franchise est au fond du gouffre. Dès son année rookie, Toine confirme ses talents offensifs en étant le leader à la marque (17,5 points) et aux rebonds (9,0 prises). Peu après, ses potes de fac, Ron Mercer et Walter McCarty, le rejoignent chez les C's. Mais, il faut véritablement attendre l'arrivée en 1998 de Paul Pierce pour voir Boston redevenir un contender sérieux à l'Est. Le duo fait des étincelles et emmène les Celtics en Finale de Conférence en 2002. L'âge d'or pour Walker qui enchaîne cinq saisons à plus de 20 points de moyenne avec de nombreuses pointes à plus de 40 unités. L'intérieur a carte blanche pour dégainer et il ne s'en prive pas... un peu trop peut être. Son penchant pour les shoots longue distance lui valent nombre de critiques et en 2003 le divorce est prononcé.
S'en suit un exil à Dallas et Atlanta puis un retour à la case départ dans le Massachusetts. C'est finalement lors du plus gros transfert de l'histoire de la NBA incluant 13 joueurs et 5 équipes, que Walker relance sa carrière. En août 2005, il fait sa valise pour Miami, une franchise aux dents longues. Placé pour la première fois sur le banc, Toine est le leader offensif de la second unit du Heat (12,2 points et 5,1 rebonds). Lors des playoffs, il réintègre le cinq majeur et hausse le niveau de son jeu pour, enfin, décrocher sa première bague.
David : Dès son plus jeune âge, Kevin Love impressionne avec les Lakers... de Lake Oswego ! Dans cette équipe de Lycéens, il enchaîne les saisons à plus de 25pts et 15rbds, Avec trois finales de championnat pour une victoire, quelques paniers cassés et un paquet de titres individuels remportés, Love peut attaquer tranquillement sa carrière universitaire.
Le jeune californien rejoint donc les Bruins d'UCLA en 2007. Il empoche encore quelques titres individuels et son parcours universitaire s'achève en demi-finale. Love est sélectionné dans le meilleur cinq universitaire et décide de rejoindre la NBA après seulement un an de fac. Drafté en cinquième par les Grizzlies, il est envoyé dans la foulée chez les Wolves. Il deviendra très vite LE nouveau Kevin de l'équipe en remplaçant Kevin Garnett en tant que star. Il commence gentiment en première année avec 11pts et 9rbds avant de passer à 14pts et 11rbds lors de son année de sophomore puis 20pts et 15rbds en troisième année. Il continuera de s'améliorer offensivement avec les Wolves avant d'atterrir chez les Cavaliers il y a deux ans. Ici aux côtés de LeBron James et Kyrie Irving, ses moyennes chutent à 16pts et 10rbds, il n'est plus que la troisième option offensive. Mais contrairement à Minnesota, Cleveland atteint les finales NBA et cela doit suffire à convaincre Love que quitter les Wolves était la meilleure chose qu'il puisse lui arriver.
1-0 pour Toine. L'ancien All-Star est un peu plus offensif que ne l'est Love et, en plus d'être le précurseur en la matière à son poste, a bien plus poussé le vice que Love en insistant à 3pts. Dans ce duel de snipers géants, il fallait rendre à Toine ce qui appartient à Toine.
- Round 2 : Polyvalence et leadership
Sylvain : Dans la NBA des années 1990, le style de jeu d'Antoine Walker détonne. Les power forward capable de tout faire ne courent pas les rues. Durant ses premières saisons, Toine est le leader des Celtics au scoring, aux rebonds et même à la passe. En 2001, il se hisse dans le Top 20 des meilleurs passeurs de la Ligue avec 5,5 assists... une véritable anomalie pour un poste 4. En plus de gérer le playmaking de Boston, Walker s'impose également dans la raquette où son sens du placement au rebond offensif fait merveille. En 1998, il se glisse parmi les meilleurs pivots de la ligue en compilant plus de 10 rebonds par match. Une polyvalence indéniable qui l'amène à réaliser 13 triple double sous le maillot vert. Si Walker est le leader statistique de Boston, il est également l'atout charismatique de la franchise. Sourire constant aux lèvres, Toine fait le pitre sur le parquet et amuse la galerie. Sa célèbre "Shimmy Dance" va faire le tour du monde. A chaque action spectaculaire, Walker dandine des épaules et trémousse son fessier pour le plus grand plaisir des fans. Illustration en images.
David : Kevin Love est un joueur solide malgré les railleries de certain sur son côté soft. Pourtant Love ne l'est pas, du moins, c'est Andrew Bogut qui le dit ! Bon, on avoue que sa défense est loin d'être au niveau mais pourtant, Love n'est pas qu'un simple attaquant. Comme Walker avant lui, Kev' a tendance à s'écarter du cercle et à shooter de loin, ce qui en fait un intérieur polyvalent puisque son jeu ne se limite pas au poste. Il a développé son tir extérieur au point de remporter le concours à 3pts en 2012 ! Surtout, c'est au rebond que Love est indispensable pour son équipe. Meilleur rebondeur en 2011 avec 15 prises en moyenne, Love n'a jamais terminé une saison avec moins de 9 rebonds par matchs. S'il n'est plus le leader principal de son équipe à Cleveland, il reste un joueur dominant qui a su faire des Wolves une équipe qu'on ne prenait pas à la légère... ou au moins plus au sérieux que feu les Bobcats...
1-1 : Le point revient à Love pour la polyvalence. Les deux joueurs sont des défenseurs moyens et ont su être les leaders de leurs équipes à différents moments de leur carrière. Mais Love a cette domination incroyable au rebond que Walker n'avait pas autant. Au basket, celui qui domine le rebond domine généralement le jeu, on ne le dit jamais assez.
- Round 3 : Distinctions personnelles
Sylvain : Avec plus de discipline, Walker aurait pu avoir un des palmarès les plus prestigieux des années 90. Une fois le titre universitaire en poche, Toine intègre d'emblée la NBA All-Rookie First Team en 1997. L'année suivante, il laisse entrevoir un potentiel de futur MVP, et logiquement s'invite au All Star Game dans une sélection de l'Est menée par Michael Jordan. Il connaîtra par la suite encore deux autres sélections en 2002 et 2003. Mais, le niveau du Celtic plafonne. Ses kilos superflus ramenés chaque été témoignent de son manque d'hygiène de vie. Walker comprend alors que s'il veut décrocher une bague, il doit changer de statut. Il n'est plus le franchise player de ses débuts. Au Heat, il devient le 6ème homme de luxe de Pat Riley qui le recadre sur le parquet. Derrière le tandem Dwyane Wade-Shaquille O'Neal, Toine s'impose comme la troisième menace de l'équipe. Ses tirs primés souvent clutchs contribuent au retournement de situation des NBA Finals 2006. Mené 2 à 0, le Heat parvient à renverser la vapeur contre Dallas. Walker met enfin le doigt sur le Saint Graal.
David : Love collectionnait les titres de MVP au lycée et à la fac. C'est bien entendu plus difficile d'en faire de même en NBA tant la concurrence est rude. Pourtant, Kev' est toujours un joueur dominant parmi les pros. Il a participé à 3 All-Star Game, il est le MIP 2011, le meilleur rebondeur 2011, le vainqueur du Shootout Contest 2012, un membre de la All-NBA Second Team en 2012 et en 2014 et a participé à deux finales NBA. Avec Team USA, il a aussi obtenu deux médailles d'or à la coupe du monde 2010 et aux J.O 2012.
2-1 : Walker reprend l'avantage. Love était techniquement deux fois en finale mais a manqué la première pour blessure et ne pèse pas sur la deuxième (toujours en cours lors de l'écriture de cet article). Contrairement à Walker, il a brillé avec Team USA ! Mais au jeu des titres, seul un championnat compte pour les Américains et Toine a une bague NBA, même s'il l'a eu tard. Peut-être que Love en obtiendra une la semaine prochaine, mais l'article aura été rédigé trop tôt pour lui !
- Round 4 : La technique
Sylvain : Précurseur en son genre, Antoine Walker incarne à la perfection le poste 4 du basket moderne, le fameux Stretch Four. Gros rebondeur en début de carrière, Toine délaisse progressivement la raquette pour s'improviser tour à tour meneur de jeu et arrière shooteur. Son adresse naturelle le pousse petit à petit à s'écarter du cercle jusqu'à élire domicile derrière la ligne à 3 points. Ce péché mignon va devenir une addiction. En 2000, Walker devient un boulimique du tir primé au point d'être le joueur qui en rentre et en tente le plus (221 sur 603). En 2001, c'est l'overdose, le Celtic prend 8 shoots à 3 points par match, une moyenne incroyable qui ferait de lui le troisième Splash Brothers. Avec 645 tirs tentés cette saison-là, il surclasse des maîtres du genre comme Steve Nash (343) ou Reggie Miller (443). Boston est au bord de l'indigestion, car là où le bas blesse c'est que son pourcentage de réussite, lui, chute année après année pour atteindre 32,3% en 2003, date de la rupture.
David : Tel Walker avant lui, Love est devenu un boulimique du tir extérieur. Avec 4 tirs à 3pts tentés par matchs en moyenne (5.5 sur deux ans à Cleveland), l'intérieur shoote autant à 3pts que certaines des plus grosses gâchettes de l'histoire. Son pourcentage (36%) n'est pourtant pas aussi brillant que ces tireurs d'élites... loin de là. Bon joueur au poste, le N°0 des Cavs ajoute pourtant une belle corde à son arc au niveau technique avec un shoot correct de n'importe où en attaque. Le souci étant que si son équipe a besoin d'une vraie menace intérieure, elle ne peut pas compter seulement sur Love, il faudrait un pivot offensif efficace pour faire oublier le jeu trop écarté de l'intérieur star des Cavs.
2-2 : Love égalise ! La technique de Love semble égale à celle de Walker... mais là où Walker modifie son style année après année par manque d'hygiène de vie, Love semble plus constant et précis. A défaut de trouver un joueur plus technique au sommet de sa carrière dans ce duel, on désigne vainqueur celui qui semble pouvoir tenir le plus sur la durée.
- Round 5 : Impact sur le basket et vie extra-sportive
Sylvain : Qu'on le veuille ou non, Antoine Walker est l'un des pionniers du basket actuel. Son profil atypique est désormais recherché par tous les coachs de la ligue en quête de spacing pour leur équipe. Le Celtic avait juste 15 ans d'avance sur le jeu. Mais, en poussant à l'extrême sa sélection de shoots, il perd en crédibilité et s'attire les foudres des observateurs. Lorsqu'un journaliste lui demande pourquoi il shoote aussi souvent à 3 points, Toine répond laconiquement : parce qu'il n'y a pas de ligne à 4 points. Une boutade quasi prémonitoire puisque ce débat est plus que jamais d'actualité dans une NBA devenue dépendante du shoot longue distance.
Après sa carrière professionnelle, Walker défraye de nouveau la chronique en dilapidant tout son argent. Son train de vie démesuré et sa passion pour les casinos vont causer sa perte. Walker signe des chèques en bois dans tout Las Vegas, il perd plus de 110 millions de dollars en quelques mois. Une banqueroute que l'ancien Celtic raconte sans tabou dans le documentaire "Gone in an instant".
David : Sur ses huit saisons en NBA, Love est clairement l'un des meilleurs rebondeurs de la ligue et on se souviendra surtout de lui pour ça... et pour son envie de tirer de derrière l'arc bien entendu. En quelques années en NBA, il a su imposer sa marque sur le jeu au point que LeBron James ait fait du forcing avec son staff pour l'avoir à ses côtés. Cleveland l'a tout de même échangé contre Anthony Bennett ET Andrew Wiggins, soit deux first pick ! Ça vous classe un joueur lorsqu'il est considéré comme plus rentable que deux prospects promis à une belle carrière (même si Bennett a déçu depuis). Mais Love, c'est aussi le fils d'un ancien joueur NBA, Stan Love des Lakers (les vrais cette fois) et le neveu de Mike Love des Beach Boys ! Mais trêve de comparaison à son illustre famille, voici en image l'impact de Love sur la NBA !
3-2, score final et victoire pour... Antoine Walker ! Même si on peut rire de Toine qui a dû vendre sa bague de champion après sa banqueroute, il reste un pionnier du basket actuel. De Ryan Anderson à Kevin Love en passant par Kevin Garnett et même Rasheed Wallace, il a fallu des intérieurs capables de tirer de loin pour créer le lien entre la NBA des années 90 et celle des Warriors actuels. Walker, c'est la NBA des années 2010... mais 15 ans avant ! Son impact sur le basket est énorme puisqu'il a révolutionné le jeu en amenant la mode des intérieurs qui s'écartent.
Episode 14 : Ray Allen Vs Klay Thompson
Episode 13 : Tim Hardaway Vs Kyrie Irving
Episode 12 : Bulls 1996 Vs Warriors 2016
Episode 11 : Lakers 2001 Vs Thunder 2016
Episode 10 : Julius Erving Vs Vince Carter
Episode 9 : Alonzo Mourning Vs Dwight Howard
Episode 8 : Larry Bird Vs Dirk Nowitzki
Episode 7 : John Starks Vs Jimmy Butler
Episode 6 : Magic Johnson Vs LeBron James
Episode 5 : Scottie Pippen Vs Kawhi Leonard
Episode 4 : Dennis Rodman Vs Draymond Green
Episode 3 : Shawn Kemp Vs Blake Griffin
Episode 2 : Allen Iverson Vs Russell Westbrook
Episode 1 : Reggie Miller Vs Stephen Curry